3.5 Les suites monotones et bornées
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On a vu qu'une suite convergente est forcément bornée. Mais le contraire n'est pas vrai: une suite bornée ne converge pas forcément.

Exemple: La suite an=(1)na_n=(-1)^n ne converge pas, mais elle est bornée, puisque an=1|a_n|=1, ce qui implique 1an1-1\leqslant a_n\leqslant 1 pour tout nn.

Par contre, si une suite est bornée et monotone, alors elle converge:

Théorème: Soit (an)(a_n) une suite.

  1. Si (an)(a_n) est croissante et majorée, elle converge.
  2. Si (an)(a_n) est décroissante et minorée, elle converge.

Soit (an)(a_n) une suite croissante et majorée. Considérons l'ensemble ARA\subset \mathbb{R} défini comme étant l'ensemble de tous les points de la suite: A:={a1,a2,a3,}. A:= \{a_1,a_2,a_3,\dots\}\,. Puisque la suite est bornée, AA est majoré; on peut donc considérer le réel LL défini par L:=supA. L:= \sup A\,. Nous allons montrer que anLa_n\to L.

Par définition, le supremum est un majorant, et donc anLa_n\leqslant L pour tout nn. De plus, comme le supremum est le plus petit majorant, on a que pour tout ε>0\varepsilon\gt 0, il existe nn_* tel que LεanL-\varepsilon\leqslant a_{n_*}. Or comme la suite est croissante, on a Lεanan+1an+2L, L-\varepsilon\leqslant a_{n_*}\leqslant a_{n_*+1}\leqslant a_{n_*+2}\leqslant \cdots \leqslant L\,, ce qui implique anLε|a_n-L|\leqslant \varepsilon pour tout nnn\geqslant n_*.

On a ainsi montré que pour tout ε>0\varepsilon\gt 0, on a anLε|a_n-L|\leqslant \varepsilon pour tout nn suffisamment grand. Ceci montre que anLa_n\to L.

(Dans le deuxième cas, lorsque la suite est décroissante et minorée, on adapte cet argument après avoir défini L:=infAL:= \inf A.)

Si le résultat peut paraître intuitif, la preuve a montré qu'il repose entièrement sur l'existence d'un supremum pour les ensembles majorés de R\mathbb{R}.

Le théorème ci-dessus garantit que si une suite est monotone et bornée, alors elle possède une limite LL, qui est soit un supremum (si la suite est croissante et majorée), soit un infimum (si la suite est décroissante et minorée). Parfois, on peut calculer cette limite LL explicitement:

Exemple: Considérons la suite (an)n0(a_n)_{n\geqslant 0} définie par an=nn+1. a_n=\frac{n}{n+1}\,. Nous avons montré précédemment que cette suite est strictement croissante. Or elle est aussi majorée, puisque n<n+1n\lt n+1 implique an=nn+1<n+1n+1=1. a_n=\frac{n}{n+1}\lt \frac{n+1}{n+1}=1\,. Le théorème ci-dessus garantit donc qu'elle converge, et que sa limite est égale à L=sup{a0,a1,a2,}. L=\sup\{a_0,a_1,a_2,\dots\}\,. On peut vérifier (exercice!) que L=1L=1.

L'exemple suivant présente un cas dans lequel le théorème permet de montrer qu'une certaine suite converge, mais sans pour autant donner la valeur de la limite.

Exemple: Soit (bn)(b_n) la suite définie ainsi: b1:=112b2:=112+122b3:=112+122+132bn:=112+122+132+142++1n2bn+1:=112+122+132+142++1n2+1(n+1)2\begin{aligned} b_1&:= \frac{1}{1^2}\\ b_2&:= \frac{1}{1^2}+\frac{1}{2^2}\\ b_3&:= \frac{1}{1^2}+\frac{1}{2^2}+\frac{1}{3^2}\\ \vdots&\\ b_n&:= \frac{1}{1^2}+ \frac{1}{2^2}+ \frac{1}{3^2}+ \frac{1}{4^2}+\cdots+ \frac{1}{n^2}\\ b_{n+1}&:= \frac{1}{1^2}+ \frac{1}{2^2}+ \frac{1}{3^2}+ \frac{1}{4^2}+\cdots+ \frac{1}{n^2}+\frac{1}{(n+1)^2}\\ \vdots& \end{aligned} Cette suite est croissante puisque bn+1=bn+1(n+1)2>bnb_{n+1}=b_n+\frac{1}{(n+1)^2}\gt b_n. Pour montrer qu'elle est bornée, remarquons que pour tout k2k\geqslant 2, 1k2=1kk<1k(k1)=1k11k. \frac{1}{k^2}=\frac{1}{k\cdot k}\lt \frac{1}{k(k-1)}=\frac{1}{k-1}-\frac{1}{k}\,. En utilisant cette inégalité pour k=2,3,,nk=2,3,\dots,n, on obtient une borne supérieure dans laquelle beaucoup de termes se téléscopent: bn=112+122+132+142++1n2<112+(1112)+(12=013)+(13=014)+(14=01n1)+(1n1=01n)\begin{aligned} b_n&= \frac{1}{1^2}+ \frac{1}{2^2}+ \frac{1}{3^2}+ \frac{1}{4^2}+\cdots+ \frac{1}{n^2} \\ &\lt\tfrac{1}{1^2}+ \bigl( \tfrac11 \underbrace{- \tfrac12 \bigr) +\bigl( \tfrac12}_{=0} \underbrace{- \tfrac13 \bigr) +\bigl( \tfrac13}_{=0} \underbrace{- \tfrac14 \bigr) +\bigl( \tfrac14}_{=0}- \cdots \underbrace{-\tfrac{1}{n-1} \bigr) +\bigl( \tfrac1{n-1}}_{=0} - \tfrac1n \bigr) \end{aligned} On a donc que bn<112+111n=21n<2. b_n\lt \frac{1}{1^2}+\frac{1}{1}-\frac1n=2-\frac1n\lt 2\,. On a ainsi montré que (bn)(b_n) est majorée par M=2M=2, et comme elle est aussi croissante, elle converge: il existe LRL\in\mathbb{R} tel que limnbn=L. \lim_{n\to \infty} b_n=L\,. Puisque 1bn<21\leqslant b_n\lt 2, on a aussi que 1L21\leqslant L\leqslant 2.

Euler a montré en 1734 que cette limite vaut L=112+122+132+142+=π26=1.664934.L= \frac{1}{1^2}+ \frac{1}{2^2}+ \frac{1}{3^2}+ \frac{1}{4^2}+\cdots =\frac{\pi^2}{6}=1.664934\dots\,.
Quiz 3.5-1 : Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont toujours vraies?
  1. Si ana_n est majorée et an<an+1a_n< a_{n+1} pour tout nn suffisamment grand, alors ana_n converge.
  2. Si anCa_n\leqslant C pour tout nn et si ana_n est croissante, alors anCa_n\to C.
  3. Si ana_n est monotone mais pas bornée, elle ne converge pas.
  4. Si ana_n est bornée mais pas monotone, elle ne converge pas.
  5. Si ana_n est majorée et croissante mais pas strictement, alors elle converge.
  6. Si ana_n tend vers sup{a1,a2,a3,}\sup\{a_1,a_2,a_3,\dots\}, alors ana_n est croissante.
  7. Si (an)n1(a_n)_{n\geqslant 1} est croissante, alors sup{a1,a2,a3,}=sup{a2,a3,}.\sup\{a_1,a_2,a_3,\dots\}=\sup\{a_2,a_3,\dots\}\,.
  8. Si ana_n est bornée et si an<an+2a_n< a_{n+2} pour tout nn et an>an+1a_n> a_{n+1} pour tout nn pair, alors ana_n diverge.
  9. Si ana_n est majorée et anan+1a_n\leqslant a_{n+1} pour tout nn pair, alors ana_n converge.