La notion centrale de l'analyse est celle de limite, et on va l'aborder
ici pour la première fois, dans le cadre simple des suites réelles.
Définir rigoureusement ce que signifie ''tendre vers \(L\)'' est une des
difficultés rencontrées dans ce cours. Nous allons donc commencer par le cas
\(L=0\) avant de passer au cas général.
Pour un réel \(x\), ''être proche de zéro''
signifie que la distance qui le sépare de \(0\) est petite.
Donc pour voir si les valeurs d'une suite \((a_n)\) s'approchent de zéro,
il est naturel de considérer la distance
\[
\mathrm{dist}(a_n,0)=|a_n-0|=|a_n|\,,
\]
et de quantifier précisément ce qu'on entend par ''cette distance devient
toujours plus petite à mesure que \(n\) augmente''.
Une autre façon de le décrire est de dire qu'
une suite \(a_n\) tend vers zéro si ses éléments se concentrent dans
des régions de plus en plus petites autour de zéro, à mesure
que l'indice \(n\) augmente. Plus précisément:
Une autre façon de formuler cette définition: \((a_n)\) tend vers zéro lorsque
\(n\to\infty\) si pour tout \(\varepsilon \gt 0\) (une fenêtre), tous les éléments de
la suite, à l'exception d'un nombre fini d'entre eux, sont dans l'intervalle
\([-\varepsilon,\varepsilon]\).
Sur l'animation ci-dessous, choisir un \(\varepsilon\gt 0\), et trouver un \(N\)
tel que \(a_n\in [-\varepsilon,\varepsilon]\) pour tout \(n\geqslant N\):
Exemple:
Considérons
la suite
\[a_n=\frac{1}{n}\,,\qquad n\geqslant 1\,.\]
Montrons que cette suite tend vers zéro, dans le sens défini ci-dessus.
Fixons un \(\varepsilon \gt 0\), et vérifions que l'on peut toujours
trouver un entier \(N\) tel que
\[|a_n|\leqslant \varepsilon\qquad\forall n\geqslant N\,.\]
Pour ce faire, remarquons que
la condition \(|a_n|\leqslant \varepsilon\) est en fait équivalente à
\(\frac{1}{n}\leqslant \varepsilon\), et
comme cette dernière est équivalente à \(n\geqslant \frac{1}{\varepsilon}\).
Pour l'entier \(N\), on peut prendre
n'importe quel entier plus grand ou égal à
\(\frac{1}{\varepsilon}\). On peut par exemple prendre
(rappelons que \(\lfloor x\rfloor:=\)partie entière de \(x\)):
\[ N:= \Bigl\lfloor\frac{1}{\varepsilon}\Bigr\rfloor+1\,.
\]
On a ainsi trouvé un entier \(N\) tel que
\(n\geqslant N\) implique \(|a_n|\leqslant \varepsilon\).
La définition de ''tendre vers \(L\)'' est seulement une adaptation de la définition de ''tendre vers zéro'': pour que \(a_n\) tende vers \(L\), il faut que la suite \(a_n':= a_n-L\) tende vers zéro.
Lorsqu'il existe un \(L\in \mathbb{R}\) tel que \((a_n)\) tend vers \(L\), on dit que la suite converge; si elle ne converge pas, on dit qu'elle diverge.
Exemple:
Considérons la suite \((a_n)_{n\geqslant 0}\) définie par
\[a_n=\frac{3n+2}{2n+1}\,.\]
Montrons, en utilisant la définition de limite donnée plus haut, que
\[\lim_{n\to \infty} a_n=\frac32\,.\]
Fixons donc un \(\varepsilon\gt 0\), et vérifions que l'on peut trouver un entier
\(N\) tel que
\[
\left|a_n-\frac32\right|\leqslant \varepsilon\qquad \forall n\geqslant N\,.
\]
D'abord, écrivons explicitement la différence
\[
\left|a_n-\frac32\right|
=\Bigl|\frac{3n+2}{2n+1}-\frac32\Bigr|
=\frac{1}{2(2n+1)}\,.
\]
On voit que cette dernière
expression peut être rendue arbitrairement petite en prenant \(n\) suffisamment
grand. Plus précisément: fixons un \(\varepsilon\gt 0\).
Une simple manipulation montre que
\[
\frac{1}{2(2n+1)}\leqslant \varepsilon
\qquad \Longleftrightarrow \qquad
n\geqslant \frac12 \Bigl(\frac{1}{2\varepsilon}-1\Bigr)\,. \]
Pour \(N\), il suffit donc de prendre n'importe quel entier plus grand ou égal
à \(\frac12(\frac{1}{2\varepsilon}-1)\).
Pour être tout à fait précis, définissons
(rappel: \(\lfloor x \rfloor=\)valeur entière de \(x\))
\[ N:= \Bigl\lfloor\frac12 \Bigl(\frac{1}{2\varepsilon}-1\Bigr)\Bigr\rfloor+1\,.\]
Par cette définition de \(N\), \(n\geqslant N\) implique que
\(|a_n-\frac32|\leqslant \varepsilon\).
On a donc bien montré que \((a_n)\) est convergente, et que sa limite vaut
\(\frac32\).
Remarquons que peu importe comment il est choisi,
\(N\) devient de plus en
plus grand à mesure que \(\varepsilon\gt 0\) devient plus petit.
Exemple: Considérons la suite \((a_n)_{n\geqslant 1}\) définie par \[ a_n=(-1)^n\,. \] Comme cette suite ne prend que les valeurs \(+1\) (lorsque \(n\) est pair) et \(-1\) (lorsque \(n\) est impair), elle est nécessairement divergente. En effet, pour n'importe quel \(L\in\mathbb{R}\), si \(\varepsilon\gt 0\) est pris suffisamment petit (en fait: si \(0\lt \varepsilon\lt \frac12\)), alors il existe forcément une infinité d'indices \(n\) tels que \(a_n\not\in[L-\varepsilon,L+\varepsilon]\).