L'étude de l'exemple de la section précédente a montré qu'une information utile peut être obtenue en prenant la limite \(n\to\infty\) des deux côtés de la relation \[ x_{n+1}=g(x_n)\,. \] Ceci mène à la définition suivante.
Exemple: \(g(x)=1+\frac{x}{2}\) possède un unique point fixe \(x_*=2\).
Exemple: \(g(x)=4x(1-x)\) possède deux points fixes, \(x_*^1=0\) et \(x_*^2=\frac34\).
A priori, l'existence ou non d'un point fixe n'est pas forcément reliée au comportement de la suite dans la limite \(n\to\infty\), mais la recherche de points fixes est un bon point de départ dans l'étude d'une suite définie par récurrence.
Par exemple, si on sait que \(g\) possède un point fixe \(x_*\), et si on utilise ce point comme condition initiale \[ x_0:= x_*\,, \] alors la suite \(x_{n+1}=g(x_n)\) est constante: \[\begin{aligned} x_1&=g(x_0)=g(x_*)=x_*\\ x_2&=g(x_1)=g(x_*)=x_*\\ x_3&=g(x_2)=g(x_*)=x_*\\ &\vdots \end{aligned}\]
Ce qui est plus intéressant est d'utiliser la connaissance de points fixes pour
guider l'étude de la suite.
Pour commencer,
si une condition de régularité est satisfaite par \(g\), alors l'éventail
de scénarios possibles pour le comportement de la suite est considérablement
réduit:
Si \(x_n\to L\), alors \(x_{n+1}\to L\) et la continuité de \(g\) au point \(L\) implique \(g(x_n)\to g(L)\). Donc en prenant la limite \(n\to\infty\) des deux côtés de la relation \[ x_{n+1}=g(x_n)\,, \] on obtient \[ L=g(L)\,. \] Donc \(L\) est un point fixe de \(g\).
Voyons un exemple où la recherche de points fixes est utile dans l'étude de la limite:
Exemple:
Considérons la suite \(x_{n+1}=g(x_n)\), avec condition initiale \(x_0=4\), et
\(g(x)=2-\frac1x\), c'est-à-dire
\[ x_{n+1}=g(x_n)=2-\frac{1}{x_n}\,. \]
Cherchons les points fixes de \(g\):
\[ 2-\frac{1}{x_*}=x_*\quad\Leftrightarrow\quad (x_*-1)^2=0\,.
\]
Donc \(x_*=1\) est l'unique point
fixe de \(g\), et c'est a priori un candidat pour la limite.
Puisque notre condition initiale est \(x_0=4\gt 1\), on peut
essayer de voir si la suite décroît. C'est effectivement ce qu'indiquent les
premières valeurs:
\[\begin{aligned}
x_0&=4\\
x_1&=2-\frac{1}{x_0}=2-\frac{1}{4}=1.75\\
x_2&=2-\frac{1}{x_1}=2-\frac{1}{1.75}=1.428\dots\\
x_3&=2-\frac{1}{x_2}=2-\frac{1}{1.428\dots}=1.3\\
x_4&=2-\frac{1}{x_3}=2-\frac{1}{1.3\dots}=1.230\dots\\
\vdots&
\end{aligned}\]
On a donc un scénario qui semble raisonnable: montrer rigoureusement que la
suite converge, puis que sa limite vaut \(x_*=1\).
Montrons d'abord que la suite est minorée par \(1\). Pour la condition initiale,
on a
\(x_0=4\gt 1\). Ensuite, si on suppose que \(x_n\gt 1\), alors
\[
x_{n+1}=2-\frac{1}{x_n}\gt 2-\frac11=1\,.
\]
Ceci montre en particulier que \(x_n\) est toujours bien définie.
Ensuite, en calculant
\[\begin{aligned}
x_{n+1}-x_n
&=2-\frac{1}{x_n}-x_n\\
&=\frac{2x_n-1-x_n^2}{x_n}\\
&=\frac{-(x_n-1)^2}{x_n}\leqslant 0\,,
\end{aligned}\]
(on a utilisé le fait que \(x_n\gt 1\gt 0\))
on voit que \((x_n)\) est décroissante.
Étant minorée et décroissante, la suite converge:
\[ L=\lim_{n\to \infty} x_n\,. \]
Puisque toute la suite évolue sur le domaine \(]0,+\infty[\), sur lequel \(g\)
est continue, on en déduit par le théorème du dessus que \(L\) ne peut être
qu'un point fixe de \(g\); comme il n'y en a qu'un, \(x_*=1\), on en déduit que
\(L=1\).
Une fonction continue \(g\)
peut posséder plusieurs points fixes. Dans ce cas, si la suite converge le
théorème ne dit pas vers quel point fixe elle converge. Dans un tel cas,
une étude détaillée est nécessaire (voir les exercices).
Mais le théorème est utile dans le cas suivant: si
\(g\) est continue et ne possède pas de point fixe, alors \((x_n)\) n'a
pas de limite. (En effet, si elle convergeait, alors sa limite serait un point
fixe, une contradiction.)
Exemple: Considérons une suite \((x_n)\) pour laquelle \[x_{n+1}=x_n^2+3\,.\] Ici, puisque \(g(x)=x^2+3\) est continue et n'a pas de point fixe (car l'équation \(g(x)=x\) n'a pas de solutions), on en déduit que \(x_n\) ne peut pas converger, quelle que soit la condition initiale choisie.