Intuitivement, même si les rationnels sont un sous-ensemble (strict) des réels,
ils doivent quand-même être un peu ''partout'' sur la droite des
réels,
dans le sens où on doit pouvoir en trouver dans n'importe quelle région
de la droite, aussi petite soit-elle.
On caractérise ceci précisément à l'aide de la notion de densité.
Un sous-ensemble E⊂R est dense dansR si pour toute paire
x,y∈R, x<y, il existe un z∈E tel que x<z<y.
Il est clair que R est dense dans lui-même, puisque pour toute paire
x,y∈R, x<y, on peut toujours considérer le point milieu
z:=2x+y. Donc entre deux réels quelconques distincts, il y a
toujours un autre réel.
Ce qui est plus intéressant, ce sont les ensembles denses dans R qui sont
des sous-ensembles stricts de R, c'est-à-dire qui sont plus petits
que R.
Théorème:
L'ensemble des rationnels Q est dense dans R.
Dans la preuve de ce théorème, nous utiliserons la notion suivante.
Pour tout x∈R,
la valeur entière dex, notée ⌊x⌋,
est le plus grand entier n∈Z tel que n⩽x.
Exemple:⌊45⌋=1,⌊−31⌋=−1,⌊−2⌋=−2,⌊π⌋=3.
La définition de ⌊x⌋ implique
⌊x⌋⩽x<⌊x⌋+1∀x∈R.
Donc l'image qu'il faut garder en tête est la suivante:
Cette dernière peut aussi s'écrire
x−1<⌊x⌋⩽x∀x∈R.
Passons à la preuve du théorème.
Soient deux réels x<y, et soit n un entier suffisamment grand, tel
que
n>y−x1. On rappelle qu'un tel entier existe car N n'est
pas borné. Posons maintenant
r:=n⌊nx⌋+1.
Comme c'est un quotient de deux entiers,
r est rationnel.
Et puisque
nx−1<⌊nx⌋⩽nx,
on a
=xn(nx−1)+1<r⩽=x+n1<ynnx+1,
ce qui implique x<r<y.
La conséquence principale de ce résultat est que l'on peut
approximer les réels par des rationnels, dans le sens suivant:
Soit x∈R un réel quelconque. Alors pour tout
ε>0, il existe un rationnel qp∈Q tel que
∣x−qp∣⩽ε.
Posons x′:=x−ε, y′=x+ε. Par le
Théorème, il existe un rationnel qp
tel que x′<qp<y′, ce qui implique bien que
−ε⩽x−qp⩽+ε.
En particulier, n'importe quel irrationnel peut être approximé par un rationnel,
à un degré arbitraire de précision.
Exemple:
Nous avons donné des approximations de π dans l'introduction. Dans le
langage de la présente section, ces approximations s'expriment ainsi:
π−722π−106333π−33102103993⩽0.01⩽0.0001⩽0.000000001
Donc même si π est irrationnel, on sait maintenant
qu'on peut fixer un ε>0 aussi petit que l'on veut,
et le théorème garantit qu'il existe un rationnel qp à distance au
plus ε de π:
π−qp⩽ε.
Il se trouve que les irrationnels, eux aussi, permettent
d'approximer n'importe quel réel:
Théorème:
L'ensemble des irrationnels R∖Q
est dense dans R.
On utilisera souvent les deux résultats ci-dessus, de la façon suivante:
Si x∈R est un réel quelconque, alors
quel que soit ε>0 (sous-entendu: aussi petit que l'on veut),
il existe toujours un rationnel r∗∈Q
et un irrationnel i∗∈R∖Q tels que
r∗∈]x−ε,x+ε[,i∗∈]x−ε,x+ε[.
Quiz 1.8-1 :
Vrai ou faux?
Si E est un sous-ensemble de R possédant un nombre infini d'éléments,
alors il est dense.
Si E est un sous-ensemble dense de R, alors il possède un nombre
infini d'éléments.
R est dense dans lui-même.
Si E est un sous-ensemble dense de R, et si E′⊂E,
alors E′ est dense dans R.
Quiz 1.8-2 :
Vrai ou faux?
Pour tous réels x,y,
⌊x⌋⩾0
⌊x+y⌋=⌊x⌋+⌊y⌋
⌊λx⌋=λ⌊x⌋ pour tout
λ∈R
Quiz 1.8-3 :
Soit x un réel quelconque.
Vrai ou faux?
Pour tout entier n⩾1, il existe un
rationnel y tel que 0<∣x−y∣⩽10n1.
Pour tout entier n⩾1, il existe un
irrationnel y tel que 0<∣x−y∣⩽10n1.
Pour tout entier n⩾1, il existe une
infinité de rationnels y tels que 0<∣x−y∣⩽10n1.
Pour tout entier n⩾1, il existe une infinité
d'irrationnels y tels que 0<∣x−y∣⩽10n1.