13.3 Type II

Un autre type d'intégrale important, qui n'entre pas dans le cadre de l'intégrale de Riemann/Darboux, est celui où on intègre une fonction sur un domaine non-borné. Ici, on considérera principalement des intervalles de la forme \[[a,\infty[\,,\quad ]-\infty,b]\,,\quad \text{ ou } ]-\infty,+\infty[\,.\]

Exemple: Considérons \(f(x)=e^{-x}\), sur \([a,\infty[\). Par exemple, si \(a=0\):

On sait que \[ \lim_{x\to+\infty}f(x)=0\,, \] mais peut-on quand-même calculer l'aire sous son graphe?

Ici aussi, l'approche classique ne fonctionne pas puisqu'on n'a pas de façon naturelle d'approximer l'aire sous la courbe avec une somme finie de rectangles: le dernier rectangle de la somme de Darboux supérieure aura toujours une aire infinie!

Par contre, on peut toujours intégrer la fonction sur un intervalle borné et fermé, \([a,L]\), où \(L\gt a\) est grand, fixé: \[ \int_a^Le^{-x}\,dx= -e^{-x}\Bigr|^L_a=e^{-a}-e^{-L}\,. \] Cette dernière expression dépend de \(L\), mais on voit qu'elle se comporte bien lorsque \(L\) grandit. En fait, on peut prendre la limite \(L\to \infty\) (sur l'animation, changer \(L\) et observer comme la valeur de l'intégrale tend vers une valeur à mesure que \(L\) augmente):
Ce que l'on peut donc faire, c'est donner un sens à l'intégrale de \(f\) sur \([a,+\infty[\), à l'aide d'une limite: \[ \int_a^{+\infty}e^{-x}\,dx:= \lim_{L\to \infty} \int_a^Le^{-x}\,dx =\lim_{L\to\infty}\bigl(e^{-a}-e^{-L}\bigr) =e^{-a}\,. \] Comme dans la section précédente, ce résultat peut paraître peu intuitif, puisque la région sous le graphe n'est pas limitée dans le plan. Elle s'étend infiniment loin le long de l'axe des \(x\gt 0\) et pourtant, on pourrait la peindre avec une quantité finie de peinture.

Intégrer sur un intervalle non-borné

Généralisons l'idée présentée dans le dernier exemple:

  1. Soit \(f\colon\left[a,\infty\right[\to \mathbb{R}\) continue. Si la limite \[ \int_{a}^\infty f(x)\,dx:= \lim_{L\to\infty}\int_{a}^Lf(x)\,dx\,, \] existe et est finie, on l'appelle l'intégrale généralisée de Type II (de \(f\) sur \([a,\infty[\)), et on dit qu'elle converge. Si la limite n'existe pas, on dit que l'intégrale généralisée diverge.
  2. Soit \(f\colon\left]-\infty,b\right]\to \mathbb{R}\) continue. Si la limite \[ \int_{-\infty}^b f(x)\,dx:= \lim_{L\to-\infty}\int_{L}^bf(x)\,dx\,, \] existe et est finie, on l'appelle l'intégrale généralisée de Type II (de \(f\) sur \(]-\infty,b]\)), et on dit qu'elle converge. Si la limite n'existe pas, on dit que l'intégrale généralisée diverge.

Si \(f\) est positive sur tout l'intervalle, l'intégrale généralisée peut être interprétée comme l'aire sous son graphe. Mais l'intégrale généralisée est définie pour des fonctions de signe a priori quelconque, et dans ce cas, la valeur de l'intégrale ne peut plus être interprétée comme une aire géométrique.

On se souvient que dans le chapitre sur les séries, la série harmonique a un terme général qui tend vers zéro, mais trop lentement pour faire converger la série.

Le même phénomène s'observe dans les intégrales de Type II: il ne suffit pas que \(\lim_{x\to\infty}f(x)=0\) pour que son intégrale généralisée converge.

Exemple: Considérons \(f(x)=\frac1x\) sur \([1,\infty[\). On a \[\begin{aligned} \int_1^\infty\frac{1}{x}\,dx &= \lim_{L\to\infty} \int_1^L\frac{1}{x}\,dx\\ &= \lim_{L\to\infty} \log(x)\Bigr|_1^L\\ &= \lim_{L\to\infty} \log(L)\\ &=\infty\,. \end{aligned}\]

Dans l'exemple ci-dessus: la fonction \(\frac1x\) tend vers zéro lorsque \(x\to\infty\), elle ne tend ''pas vers zéro assez vite pour être intégrable à l'infini''.

Exemple: Considérons \(f(x)=\frac{1}{1+x^2}\) sur \([1,+\infty[\):

\[\begin{aligned} \int_1^\infty\frac{dx}{x^2+1}&= \lim_{L\to\infty} \int_1^L\frac{dx}{x^2+1}\\ &= \lim_{L\to\infty} \bigl\{\arctan(L)-\arctan(1)\bigr\}= \frac{\pi}{2}-\frac{\pi}{4}=\frac{\pi}{4}\,. \end{aligned}\]

Remarque: Remarquons qu'à la différence des séries, une fonction peut ne pas tendre vers zéro et avoir une intégrale convergente! Considérons une fonction dont le graphe est du type suivant:

La fonction est celle définie par les contours des triangles, et vaut zéro entre les triangles. Le \(k\)ème triangle a une base de largeur \(b_k\gt 0\); tous les triangles sont de hauteur égale à \(1\). Comme \(f(x)\geqslant 0\), l'intégrale généralisée représente l'aire sous le graphe de \(f\), qui vaut la somme des aires de tous les triangles: \[ \int_0^\infty f(x)\,dx=\sum_{k\geqslant 1}A_k=\sum_{k\geqslant 1}b_k\,, \] où \(A_k=b_k\cdot 1=b_k\) est l'aire du \(k\)ème triangle. Si les bases décroissent suffisamment vite, alors la somme des aires de tous les triangles est finie. On peut le garantir en prenant par exemple \(b_k=\frac{1}{2^k}\). Dans ce cas, \[ \int_0^\infty f(x)\,dx=\sum_{k\geqslant 1}A_k=\sum_{k\geqslant 1}\frac{1}{2^k}=1\,, \] donc l'intégrale converge. Pourtant, comme les triangles ont tous une hauteur égale à \(1\), la fonction ne tend pas vers zéro.

Exemple: Une intégrale de Type II très importante en théorie des probabilités (et en statistiques), est celle utilisée pour définir la fonction d'erreur (de Gauss): \[\Phi(x):= \frac{1}{\sqrt{2\pi}} \int_{-\infty}^x e^{-t^2/2}\,dt\]

On peut montrer (exercice) que l'intégrale converge toujours, et définit donc bien une fonction de \(x\in \mathbb{R}\).

Un critère de comparaison

Comme pour celles de Type I, les intégrales de Type II ont un critère de comparaison, valabe pour des fonctions de signe constant.

Soient \(f,g\colon\left[a,\infty\right[\to \mathbb{R}\) continues, telles que \[ 0\leqslant f(x)\leqslant g(x)\qquad \forall x\in \left[a,\infty\right[\,. \] Alors:
  1. Si \(\int_{a}^\infty g(x)\,dx\) converge, alors \(\int_{a}^\infty f(x)\,dx\) converge aussi.
  2. Si \(\int_{a}^\infty f(x)\,dx=+\infty\), alors \(\int_{a}^\infty g(x)\,dx=+\infty\).

Par la propriété de l'intégrale de Riemann/Darboux on peut écrire, pour tout \(L\gt a\), \[ 0\leqslant \int_a^L f(x)\,dx\leqslant \int_a^L g(x)\,dx\,, \] et par la propriété de Chasles, ces deux intégrales sont monotones croissantes en \(L\). Puisque la limite de la deuxième existe et est finie, celle de la première l'est aussi.

Exemple: Étudions la convergence de l'intégrale généralisée donnée par \[ \int_{0}^\infty e^{-x^2}\,dx\,. \] On ne connaît pas de primitive pour \(e^{-x^2}\), mais on peut quand-même montrer que l'intégrale converge, en utilisant une comparaison. Le choix de la comparaison va être guidé par le fait que si on ne sait pas intégrer \(e^{-x^2}\), on sait quand-même intégrer \(e^{-cx}\), quel que soit \(c\gt 0\).

Décomposons d'abord l'intégrale en deux, \[ \int_{0}^\infty e^{-x^2}\,dx= \int_{0}^2 e^{-x^2}\,dx + \int_{2}^\infty e^{-x^2}\,dx\,, \] La première partie ne pose pas de problème: c'est l'intégrale d'une fonction continue sur un intervalle fermé et borné, \([0,2]\). Pour la deuxième partie, on a toujours que \(x\geqslant 2\), et donc \(x^2=x\cdot x\geqslant 2x\), ce qui entraîne \(0\leqslant e^{-x^2}\leqslant e^{-2x}\). Or comme \[ \int_{2}^\infty e^{-2x}\,dx=\lim_{L\to\infty}\Bigl\{-\frac12 e^{-2x}\Bigr\}\Big|_2^L=\frac12 e^{-4}\,, \] on conclut que \(\int_{0}^\infty e^{-x^2}\,dx\) converge aussi. (On a pris \(c=2\), mais on aurait pu prendre n'importe quel \(c\gt 0\).)

Exemple: Considérons \[ \int_1^\infty\frac{1}{\sqrt[5]{x^5+1}}\,dx\,.\] On pourrait essayer d'utiliser le fait que pour tout \(x\geqslant 1\), \[ \sqrt[5]{x^5+1}\geqslant \sqrt[5]{x^5}=x\,, \] ce qui donne \[ \int_1^\infty\frac{1}{\sqrt[5]{x^5+1}}\,dx \leqslant \int_1^\infty\frac{1}{x}\,dx \,.\] Malheureusement, comme l'intégrale du membre de droite est infinie, cette inégalité ne nous dit rien sur l'intégrale de départ!
Remarquons que si \(x\geqslant 1\), alors \(x^5\geqslant 1^5=1\), et donc \[ \frac{1}{\sqrt[5]{x^5+1}} \geqslant \frac{1}{\sqrt[5]{x^5+x^5}} = \frac{1}{\sqrt[5]{2x^5}} = \frac{1}{\sqrt[5]{2}x}\,. \] Mais comme \(\int_1^\infty\frac{dx}{x}\) diverge, notre intégrale diverge aussi.

Intégrales du type \(\displaystyle\int_a^\infty\frac{dx}{x^p}\)

Théorème: Pour tout \(a>0\), \[ \int_a^\infty\frac{dx}{x^p}= \begin{cases} \frac{1}{(p-1)a^{p-1}} \text{ (converge)}& \text{ si }p>1\,,\\ +\infty \text{ (diverge)}& \text{ si }p\leqslant 1\,. \end{cases} \]

On a déjà traité le cas \(p=1\) dans un exemple précédent: \[ \int_a^\infty\frac1x \,dx= \lim_{L\to\infty}\log(x)\Bigr|_a^L=+\infty \] Ensuite, pour \(p\neq 1\), on peut faire \[ \int_a^L \frac{dx}{x^p}= \frac{x^{-p+1}}{-p+1}\Big|_{a}^L = \frac{1}{1-p} \begin{cases} (\frac{1}{L^{p-1}}-\frac{1}{a^{p-1}})&\text{ si }p>1\\ (L^{1-p}-\frac{1}{a^{p-1}})&\text{ si }p<1\\ \end{cases} \] Donc \[ \lim_{L\to \infty} \int_a^L \frac{dx}{x^p}= \begin{cases} \frac{1}{(p-1)a^{p-1}}& \text{ si }p>1\,,\\ +\infty& \text{ si }p< 1\,, \end{cases} \] ce qui conclut la preuve pour tous les cas.

Donc l'intégrale de \(\frac{1}{x^p}\) ''à l'infini'' est très sensible à la valeur de \(p\) lorsque \(p\) est proche de \(1\)! Par exemple, \[\int_1^\infty\frac{dx}{x^{1.0000000001}}<+\infty\,, \] alors que \[ \int_1^\infty\frac{dx}{x^{0.9999999999}}=+\infty\,, \]

Exemple: Considérons \[ \int_1^\infty\frac{dx}{x^7+1}\,. \] On peut en principe, avec les méthodes du chapitre sur l'intégration des fonctions rationnelles, calculer la primitive de \(\frac{1}{x^7+1}\). Mais si on désire juste savoir si cette intégrale converge ou diverge, sans passer par la primitive, on peut utiliser une comparaison et le théorème ci-dessus. En effet, comme \(\frac{1}{x^7+1}\leqslant \frac{1}{x^7}\) pour tout \(x\gt 0\) (donc en particulier pour tout \(x\geqslant 1\)), on a \[ \int_1^\infty\frac{dx}{x^7+1}\leqslant \int_1^\infty\frac{dx}{x^7}<\infty \] En effet, dans cette dernière, \(a=1>0\), et \(p=7>1\).

Majorer une fonction positive \(f(x)\) par une autre fonction plus simple est un bon moyen d'étudier la convergence de son intégrale, en évitant de passer par sa primitive. Mais il faut prendre garde à ne pas introduire de nouveau problème en faisant cette majoration.

Considérons \[ \int_0^\infty\frac{dx}{x^3+\sqrt{x}+1}\,. \] Cette intégrale est de Type II, puisqu'elle est continue sur \([0,\infty[\) (en particulier, elle est continue et bornée au voisinage de \(0\) et donc n'est pas de Type I). Pour l'étudier, on observe que son comportement pour \(x\) grand, est régi essentiellement par le terme ''\(x^3\)'', ce qui mène à remarquer que \(\sqrt{x}+1\geqslant 0\), et à écrire la comparaison \[ 0\leqslant \frac{1}{x^3+\sqrt{x}+1}\leqslant \frac{1}{x^3}\,. \] Malheureusement, la fonction \(\frac{1}{x^3}\) a un problème en zéro, que la fonction de départ n'avait pas.

Pour pouvoir profiter de cette comparaison, on peut d'abord séparer l'intégrale en deux, en écrivant par exemple \[ \int_0^\infty\frac{dx}{x^3+\sqrt{x}+1}= \int_0^1\frac{dx}{x^3+\sqrt{x}+1}+ \int_1^\infty\frac{dx}{x^3+\sqrt{x}+1}\,. \] La première intégrale est une intégrale de Riemann/Darboux, et est donc bien définie. C'est pour la deuxième que l'on peut utiliser la comparaison et le fait que l'intégrale de \(\frac{1}{x^3}\) est convergente, puisque maintenant sur l'intervalle \([1,\infty[\): \[ \int_1^\infty\frac{dx}{x^3+\sqrt{x}+1}\leqslant \int_1^\infty\frac{dx}{x^3}<\infty\,. \] On en déduit que l'intégrale est convergente.
Un critère via une limite de quotient
Soient \(f,g:[a,+\infty[\to \mathbb{R}_+\) continues, telles que \[ \lim_{x\to +\infty}\frac{f(x)}{g(x)}=L\gt 0\,. \] Alors \(\displaystyle \int_{a}^\infty f(x)\,dx\) converge si et seulement si \(\displaystyle \int_{a}^\infty g(x)\,dx\) converge.

Il existe bien sûr une affirmation analogue pour \(\displaystyle \int_{-\infty}^{b}f(x)\,dx\).

Exemple: Considérons l'intégrale généralisée \[ \int_2^\infty \frac{dx}{x^2+\sin(x)e^{\sin(x)}}\,. \] Remarquons que la fonction que l'intègre est bien définie, puisque \[ x^2+\sin(x)e^{\sin(x)}\geqslant x^2-e\geqslant 4-e\gt 0\qquad \forall x\geqslant 2\,. \] Lorsque \(x\) est grand, ce qui est responsable de la petitesse de \(f(x)=\frac{1}{x^2+\sin(x)e^{\sin(x)}}\geqslant 0\) est le ''\(x^2\)'' au dénominateur. Ceci suggère de considérer \[g(x)=\frac{1}{x^2}\,.\] On a bien \(f(x), g(x)\geqslant 0\) pour tout \(x\geqslant 2\), et \[\begin{aligned}&= \lim_{x\to\infty}\frac{x^2}{x^2+\sin(x)e^{\sin(x)}}\\ &= \lim_{x\to\infty}\frac{1}{1+\frac{\sin(x)e^{\sin(x)}}{x^2}}=1\gt 0 \end{aligned}\] Or l'intégrale de \(g\) converge (\(p=2\gt 1\)), donc celle de \(f\) converge aussi.

Utilisation dans l'étude des séries

Nous allons voir maintenant que parfois, une série peut être comparée à une intégrale généralisée de Type II, ce qui peut grandement faciliter l'étude de sa convergence. Ceci vient du fait que l'intégrale étant par définition construite à l'aide d'une variable continue \(x\), son étude peut se faire à l'aide du Théorème Fondamental de l'Analyse (un outil qui n'existe pas pour l'étude des séries, dont la variable \(n\) est discrète).

Considérons une série \(\sum_{n\geqslant 1}a_n\) dont le terme général \(a_n\) est en fait une fonction réelle \(f(x)\) évaluée en \(x=n\): \[ a_n=f(n) \]

Il est alors possible, sous certaines conditions, de relier la convergence de la série à l'intégrabilité de la fonction à l'infini:

Théorème: Soit \(a>0\) et \(f:[a,\infty[\to \mathbb{R}_+\), continue et décroissante. Soit \(n_0\) un entier tel que \(n_0\geqslant a\). Considérons la série de terme général \(a_n=f(n)\). Alors \[ \sum_{n\geqslant n_0}a_n\quad \text{converge}\quad \Leftrightarrow\quad \int_a^{\infty} f(x)\,dx\quad \text{converge}\,. \]

Pour simplifier, supposons que \(a=n_0=1\).

D'une part, pour chaque entier \(n\geqslant 2\), on peut interpréter \(a_n\) comme l'aire d'un rectangle de largeur égale à \(1\) situé à gauche de \(x=n\), dont la base est l'intervalle \([n-1,n]\), de hauteur \(a_n=f(n)\). Comme \(f\) est décroissante, ce rectangle est au-dessous du graphe de \(f\) sur tout l'intervalle \([n-1,n]\):

On peut donc écrire \[\sum_{n\geqslant 2}a_n\leqslant \int_1^\infty f(x)\,dx \] Cette inégalité implique que si l'intégrale est finie, alors la série converge, et si la série diverge, alors l'intégrale diverge aussi.

D'autre part on peut, pour chaque entier \(n\geqslant 1\), interpréter \(a_n\) comme l'aire d'un rectangle de largeur égale à \(1\) situé à droite de \(x=n\), dont la base est l'intervalle \([n,n+1]\), de hauteur \(a_n=f(n)\). Comme \(f\) est décroissante, ce rectangle est au-dessus du graphe de \(f\) sur tout l'intervalle \([n,n+1]\):
On peut donc écrire \[ \sum_{n\geqslant 1}a_n\geqslant \int_1^\infty f(x)\,dx \] Cette inégalité implique que si l'intégrale est infinie, alors la série diverge, et si la série converge, alors l'intégrale converge.

Exemple: Comme \(f(x)=\frac{1}{x^p}\) est décroissante pour tout \(p\geqslant 0\), on déduit du théorème précédent que \[ \sum_{n\geqslant 1}\frac{1}{n^p}\quad \text{converge}\quad \Leftrightarrow\quad \int_1^{\infty}\frac{1}{x^p}\,dx\quad \text{converge}\,. \] Par le théorème de la section précédente, ceci fournit donc le résultat déjà prouvé dans le chapitre sur les séries: \[\sum_{n\geqslant 1}\frac{1}{n^p} \begin{cases} \text{converge}&\text{ si }p>1\,,\\ \text{diverge}&\text{ si }0\leqslant p\leqslant 1\,. \end{cases} \]

Passons maintenant au cas d'un type de série qu'aucun de nos critères de convergence permet d'étudier:

Exemple: Considérons \[ \sum_{n\geqslant 2} \frac{1}{n(\log(n))^\mu}\,, \] où \(\mu>0\).
Si \(\mu=0\), cette série est la série harmonique, donc elle diverge. Mais si \(\mu>0\), son terme général décroît strictement plus vite que \(\frac1n\). On peut alors se poser la question de savoir si le terme \(\frac{1}{\log(n)^\mu}\) est suffisant pour permettre à la série de converger.
Voyons le terme général comme \(a_n=f(n)\), où \[f(x)=\frac{1}{x(\log(x))^\mu}\,. \] Remarquons que \(f\) est positive et strictement décroissante, puisque \[ f'(x)=-\frac{(\log x)^\mu+\mu(\log x)^{\mu-1}}{(x(\log x)^\mu)^2}<0\qquad \forall x\geqslant 2\,. \] Donc, par le théorème précédent, la série converge si et seulement si l'intégrale généralisée \[ \int_2^\infty\frac{1}{x(\log x)^\gamma}\,dx \] converge. Mais, par le changement de variable \(z=\log(x)\), \[\begin{aligned} \int_2^\infty\frac{1}{x(\log x)^\mu}\,dx &=\lim_{L\to\infty} \int_2^L\frac{1}{x(\log x)^\mu}\,dx\\ &=\lim_{L\to\infty} \int_{\log 2}^{\log L}\frac{1}{z^\mu}\,dz\\ &=\int_{\log 2}^\infty\frac{1}{z^\mu}\,dz\,, \end{aligned}\] qui comme on sait converge si et seulement si \(\mu>1\). On en conclut que \[ \sum_{n\geqslant 2} \frac{1}{n(\log(n))^\mu} \begin{cases} \text{converge}&\text{ si }\mu>1\,,\\ \text{diverge}&\text{ si }\mu\leqslant 1\,. \end{cases} \]

Remarque: Ce dernier résultat permet de donner des exemples de séries dont le terme général décroît plus vite que celui de la série harmonique, mais qui sont aussi divergentes. Par exemple: \(\sum_n\frac{1}{n\log(n)}\) diverge.

Quiz 13.3-1 : (MAN 2021) Soit \(f:[1,\infty[\to \mathbb{R}\) une fonction continue. Vrai ou faux?
  1. Si \(f(x)>0\) pour tout \(x\geqslant 1\), alors \(\displaystyle \int_1^\infty f(x)\,dx\) diverge.
  2. \(\displaystyle \int_1^\infty \frac{f(x)}{x^2}\,dx\) converge.
  3. Si \(\displaystyle \int_1^\infty f(x)\,dx\) converge, alors \(\displaystyle\lim_{x\to\infty}f(x)=0\).