Se pose maintenant la question de savoir quelles fonctions sont réellement
intégrables au sens de la définition donnée plus haut.
Commençons par un exemple (trop) simple.
Exemple: Soit \(f:[a,b]\to \mathbb{R}\) une fonction constante: \(f(x)=C\).
Si \(C>0\), on sait que l'intégrale doit exister, et puisqu'elle représente l'aire du rectangle de base \([a,b]\) et de hauteur \(C\), elle doit être égale à \(C(b-a)\). Voyons pourquoi c'est effectivement le cas.
Ce dernier exemple est excessivement simple: puisque la fonction est constante,
les sommes de Darboux sont constantes et ne dépendent pas de la subdivision,
donc ne donnent aucun travail particulier.
Mais en général,
dès que la fonction n'est plus constante, les sommes de Darboux
sont toujours différentes, \(\underline{S}_\sigma(f)\lt
\overline{S}_\sigma(f)\), peu importe la subdivision, et montrer qu'elles
peuvent malgré tout être rendues proches l'une de l'autre semble être un
problème difficile.
Dans la section suivante, nous allons donner un résultat qui, même s'il ne
permet pas forcément de calculer une intégrale, pourra au moins garantir
l'intégrabilité...
Remarque: Les résultats énoncés sur cette page sont donnés sans démonstration, puisqu'ils reposent tous, pour la plupart, sur la notion de continuité uniforme, une notion qui n'est pas traitée dans ce cours.
Théorème: Si \(f:[a,b]\to \mathbb{R}\) est continue, alors elle est intégrable.
Par conséquent, toutes les fonctions fondamentales (polynômes, fonctions trigo, exponentielles et logarithmes) sont intégrables sur les intervalles fermés et bornés contenus dans leurs domaines.
En fait, on peut montrer qu'il suffit que \(f\) soit continue par morceaux pour être intégrable:
La résultat ci-dessus a la conséquence suivante: si une fonction n'est pas intégrable, c'est qu'elle doit être ''très discontinue''.
Exemple: Soit \(f:[0,1]\to \mathbb{R}\) définie par \[ f(x):= \begin{cases} 1&\text{ si }x\in \mathbb{Q}\cap[0,1]\,,\\ 0&\text{ si }x\in (\mathbb{R}\setminus\mathbb{Q})\cap[0,1]\,. \end{cases} \] On voit facilement que \(\underline{S}_\sigma(f)=0\) et \(\overline{S}_\sigma(f)=1\), quelle que soit la subdivision \(\sigma\). Donc \(f\) n'est pas intégrable.
Voyons ensuite un résultat qui montre que l'on peut en principe calculer
l'intégrale d'une fonction continue en choisissant des suites de subdivisions.
Pour une subdivision \(\sigma=(x_0,x_1,\dots,x_n)\), on définit
\[
|\sigma|:=\max_{1\leqslant k\leqslant n}|x_k-x_{k-1}|\,.
\]
Théorème: Soit \(f:[a,b]\to \mathbb{R}\) continue, et \(\sigma^{(N)}\) une suite de subdivisions telle que, dans la limite où \(N\to \infty\), \[ |\sigma^{(N)}|\to 0 \,. \] Alors \[ \overline{S}_{\sigma^{(N)}}(f)\to \int_a^bf(x)\,dx\,, \qquad \text{ et } \underline{S}_{\sigma^{(N)}}(f)\to \int_a^bf(x)\,dx\,. \]
Dans la pratique, on utilise souvent une suite de partitions régulières, où \(\sigma^{(N)}\) contient \(N\) intervalles de longueurs égales. Voyons cela sur un exemple.
Exemple: Considérons l'aire sous la ''parabole d'Archimède'', dont l'équation est \[f(x)=1-x^2\,,\qquad x\in [-1,1]\,.\]
La relation de Chasles est valable seulement lorsque \(a\lt c\lt b\), mais pour qu'elle reste vraie plus généralement, \[ \int_a^bf(x)\,dx + \int_b^af(x)\,dx = \int_a^af(x)\,dx=0\,, \] nous adopterons la convention suivante: \[ \boxed{ \int_b^af(x)\,dx:= -\int_a^bf(x)\,dx\,. } \]