II.3 Cas des fonctions réelles

Dans cette section, on considère des fonctions \(f:A\to B\) que l'on appellera réelles, ce qui signifie que \(A\) et \(B\) sont des sous-ensembles de \(\mathbb{R}\). L'étude des fonctions de ce type constitue un des objectifs de ce cours, surtout via la notion de limite qui sera introduite bien plus tard. Ici nous ne ferons qu'illustrer les notions de la section précédente dans ce cas particulier.

Graphe et ensemble image

Lorsque \(A\) et \(B\) sont des sous-ensembles de \(\mathbb{R}\), on peut représenter géométriquement toute l'information contenue dans une fonction \(f:A\to B\) dans son graphe, qui est défini comme l'ensemble des points \((x,f(x))\) du plan cartésien, obtenus en laissant \(x\) parcourir tout l'ensemble \(A\): \[ \text{graphe}(f)=\{(x,y)\in\mathbb{R}^2\,:\,x\in A,\, y=f(x)\in B\}\,. \]

Sur l'animation ci-dessus, on peut ''voir'' \(\mathrm{Im} (f)\) en activant ''trace'', et en faisant varier \(x\in A\), pour voir apparaître les points de \(\mathrm{Im} (f)\) sur l'axe \(y\).

Dans la pratique, on détermine l'ensemble image de \(f:A\to B\) par le calcul: en cherchant les \(y\in B\) pour lesquels l'équation \[ f(x)=y \] possède au moins une solution \(x\in A\). Dans les cas simples, cela revient à pouvoir isoler \(x\) dans cette dernière expression.

Exemple: Soit \[\begin{aligned} f:[2,3]&\to \mathbb{R}\\ x&\mapsto f(x):= \frac{3x-4}{2}\,. \end{aligned}\] Par définition, \[ \mathrm{Im} (f)=\bigl\{y\in \mathbb{R}\,:\,\exists\, x\in [2,3]\text{ tel que }f(x)=y\bigr\} \] Pour calculer \(\mathrm{Im} (f)\), fixons \(y\in \mathbb{R}\), et essayons de résoudre l'équation \(y=f(x)\), c'est-à-dire \[ y=\frac{3x-4}{2}\,. \] En isolant simplement \(x\), on trouve la préimage de \(y\): \[ x=\frac{2y+4}{3}\,. \] Comme il faut que la préimage appartienne à \(A=[2,3]\), on veut que \[ 2\leqslant \frac{2y+4}{3}\leqslant 3\,, \] qui est équivalente, après quelques manipulations, à \[ 1\leqslant y\leqslant \frac{5}{2}\,. \] On résume: l'équation \(y=f(x)\) possède une solution \(x\in [2,3]\) si et seulement \(y\in [1,\frac{5}{2}]\). Ceci signifie que \(\mathrm{Im} (f)=[1,\frac52]\). On peut le vérifier graphiquement:

Injections, surjections, bijections

Dans le cas des fonctions réelles, l'injectivité et la surjectivité peuvent se caractériser en termes du graphe de \(f\), comme suit. Une fonction réelle \(f:A\to B\) est

Graphe de la fonction réciproque

Si une fonction réelle \(f\) est bijective, comment le graphe de \(f^{-1}\) est-il relié à celui de \(f\)?

Plus précisément, considérons une fonction \[\begin{aligned} f:A&\to B\\ x&\mapsto f(x)\,. \end{aligned}\] On rappelle que le graphe de \(f\) est l'ensemble des paires \((x,y)\), où \(y=f(x)\) et \(x\in A\). Si \(f\) est bijective, le graphe de sa réciproque \[\begin{aligned} f^{-1}:B&\to A\\ y&\mapsto f^{-1}(y) \end{aligned}\] est l'ensemble des paires \((y,x)\), où \(x=f^{-1}(y)\) et \(y\in B\). On a donc qu'un point \((x,y)\) appartient au graphe de \(f\) si et seulement si le point \((y,x)\) appartient au graphe de \(f^{-1}\). Or dans le plan, l'opération qui transforme \((x,y)\) en \((y,x)\) est une réflexion par rapport à la diagonale du premier quadrant. On en conclut que si le graphe de \(f\) est connu, alors le graphe de \(f^{-1}\) s'obtient en réfléchissant celui de \(f\) à travers la diagonale du premier quadrant. Voyons quelques exemples.

Exemple: Considérons \[\begin{aligned} f:{\color{red}\mathbb{R}}&\to {\color{blue}\mathbb{R}}\\ x&\mapsto \frac{x}{2}+1\,. \end{aligned}\] Soient \(x,x'\in{\color{red}\mathbb{R}}\) tels que \(f(x)=f(x')\). Ceci signifie que \[ \frac{x}{2}+1= \frac{x'}{2}+1\,, \] qui après simplification donne \(x=x'\). Donc \(f\) est injective. Ensuite, montrons que tout \(y\in {\color{blue}\mathbb{R}}\) possède une préimage \(x\). En effet, on peut isoler \(x\) dans \(y=f(x)=\frac{x}{2}+1\), qui donne \(x=2(y-1)\). Donc \(f\) est aussi surjective.

Ainsi, \(f\) est bijective, et sa réciproque est donnée par \[\begin{aligned} f^{-1}:{\color{blue}\mathbb{R}}&\to {\color{red}\mathbb{R}}\\ y&\mapsto 2(y-1)\,. \end{aligned}\] Remarquons que l'on peut nommer la variable comme on veut, et on peut donc écrire \[\begin{aligned} f^{-1}:{\color{blue}\mathbb{R}}&\to {\color{red}\mathbb{R}}\\ x&\mapsto f^{-1}(x)=2(x-1)\,. \end{aligned}\]

Le graphe de \(f^{-1}(x)=2(x-1)\) s'obtient à partir de celui de \(f(x)=\frac{x}{2}+1\), par une réflexion par rapport à la diagonale:

Exemple: Considérons la fonction ''au carré'': \[\begin{aligned} f:\mathbb{R}&\to \mathbb{R}\\ x&\mapsto x^2\,. \end{aligned}\] Puisque \(f(-x)=f(x)\) pour tout \(x\), \(f\) n'est pas injective. On peut la rendre injective en restreignant son ensemble de départ, en prenant par exemple \(\mathbb{R}^+\): \[\begin{aligned} f:\mathbb{R}_+&\to \mathbb{R}\\ x&\mapsto x^2\,. \end{aligned}\] Cette fonction est maintenant injective puisque \(f(x)=f(x')\) est équivalent à \(x^2-{x'}^2=0\), c'est-à-dire \((x-x')(x+x')=0\). En se souvenant que \(x,x'\in \mathbb{R}_+\), on voit que cette identité est vérifiée si et seulement si \(x=x'\).
On montrera plus tard (voir ici) que \(\mathrm{Im} (f)=\mathbb{R}_+\) (plus précisément, nous montrerons que pour tout \(y\in \mathbb{R}_+\), il existe un \(x\in \mathbb{R}_+\) tel que \(x^2=y\)). Ainsi, \[\begin{aligned} f:\mathbb{R}_+&\to \mathbb{R}_+\\ x&\mapsto x^2\,, \end{aligned}\] est bijective. Sa réciproque est appelée la fonction racine carrée, et s'écrit en général ''\(\sqrt{\cdot}\)'': \[\begin{aligned} f^{-1}:\mathbb{R}_+&\to \mathbb{R}_+\\ y&\mapsto f^{-1}(y)=\sqrt{y}\,. \end{aligned}\] Son graphe s'obtient en réfléchissant celui de \(f(x)=x^2\) à travers la diagonale du premier quadrant:

Quiz II.3-1 : Vrai ou faux? Si \(f:\mathbb{R}\to \mathbb{R}\) est injective, alors
  1. \(f\) est croissante
  2. \(f(x)=f(y)\) implique que \(x=y\)
  3. le graphe de \(f\) coupe toute droite horizontale au plus une fois
  4. le graphe de \(f\) peut se tracer en un seul coup de crayon