2.2 Définition

Comme \(\mathbb{R}\), l'ensemble des nombres complexes, noté \(\mathbb{C}\), est un corps, c'est-à-dire un ensemble muni des opérations \(+,-,\cdot,\div\), satisfaisant aux propriétés usuelles.

Ce qui rend ce corps particulier est qu'il est formé de paires de réels, pour lesquelles la définition d'un produit ''\(\cdot\)'' n'est pas forcément naturelle:

On note \(\mathbb{C}\) l'ensemble des paires de réels, \(z=(x,y)\), muni des deux opérations suivantes. Si \(z=(x,y)\) et \(z'=(x',y')\),
  • leur addition est définie \[ z+z':= (x+x',y+y')\,, \]
  • et leur multiplication par \[ z\cdot z':= \bigl(xx'-yy',xy'+x'y\bigr)\,. \]

Exemple: \((1,2)\cdot (-3,4)=(-11,-2)\).

Exemple: \((\alpha,0)\cdot (x,y)=(\alpha x-0\cdot y,\alpha y+0\cdot x)=(\alpha x,\alpha y)\).

Lemme: (Propriétés des opérations \(+\) et \(\cdot\))

  1. \(z+z'=z'+z\) pour toute paire \(z,z'\in \mathbb{C}\)
  2. \(z+(z'+z'')=(z+z')+z''\) pour tous \(z,z',z''\in \mathbb{C}\)
  3. L'élément \((0,0)\) est appelé élément neutre pour l'addition, puisque \(z+(0,0)=(0,0)+z=z\) pour tout \(z\in \mathbb{C}\).
  4. Pour tout \(z\in \mathbb{C}\) il existe un unique élément noté \(-z\in \mathbb{C}\) et appelé opposé de \(z\), tel que \(z+(-z)=0\). En fait, si \(z=(x,y)\), alors \(-z=(-x,-y)=(-1,0)\cdot z\).
  5. \(z\cdot z'=z'\cdot z\) pour tous \(z,z'\in \mathbb{C}\)
  6. \(z\cdot (z'\cdot z'')=(z\cdot z')\cdot z''\) pour tout triplet \(z,z',z''\in \mathbb{C}\)
  7. \(z\cdot(z'+z'')=z\cdot z'+z\cdot z''\) pour tous \(z,z',z''\in \mathbb{C}\),
  8. L'élément \((1,0)\) est appelé élément neutre pour la multiplication, puisque \((1,0)\cdot z=z\cdot (1,0)=z\) pour tout \(z\in \mathbb{C}\).
  9. Pour tout \(z\in \mathbb{C}\), \(z\neq (0,0)\), il existe un unique élément appelé inverse, noté \(z^{-1}\), tel que \[z\cdot z^{-1}=z^{-1}\cdot z=(1,0)\,.\] En fait, si \(z=(x,y)\) alors \[ z^{-1}=\Bigl(\frac{x}{x^2+y^2},\frac{-y}{x^2+y^2}\Bigr)\,.\]

(Voir exercices.)

Comme pour les réels, on écrira \(zz'\) au lieu de \(z\cdot z'\). On utilisera aussi la notation \[z^n:= \underbrace{z\cdots z}_{n\text{ fois}}\,.\]

Remarquons que l'on n'introduira pas d'ordre total sur \(\mathbb{C}\), c'est-à-dire que l'on ne définira pas, comme on le fait sur \(\mathbb{R}\), de symboles tels que ''\(\leqslant,\geqslant,\lt,\gt\)''. En effet, entre \((1,2)\) et \((2,1)\), lequel définir comme étant le ''plus grand''?
Un sous-ensemble de \(\mathbb{C}\) identifié avec \(\mathbb{R}\)

Remarquons que sur le sous-ensemble de \(\mathbb{C}\) formé des paires dont la deuxième composante est nulle, \((x,0)\), on a les propriétés suivantes:

Ces propriétés montrent que les nombres complexes \((x,0)\) se comportent essentiellement comme des nombres réels. Ceci mène à faire l'identification suivante, même si elle représente un abus de notation: \[ ''\mathbb{R}=\{(x,0)\in \mathbb{C}\,:\,x\in \mathbb{R}\}'' \] Cela signifie que dorénavant, nous ferons comme si \(\mathbb{R}\) était un sous-ensemble de \(\mathbb{C}\). De plus, lorsqu'aucune ambiguïté n'est possible, on écrira simplement ''\(x\)'' pour un réel, au lieu de ''\((x,0)\)''. Par exemple, \(0\) sera considéré comme étant \((0,0)\). Cette simplification aura l'avantage de faciliter l'écriture et la lecture d'expressions.

L'équation \(z^2+1=0\) et le nombre \(\mathsf{i}\)

Définissons le complexe \[ \mathsf{i} := (0,1)\,. \] On remarque que \[(-\mathsf{i})^2=\mathsf{i}^2=(0,1)\cdot (0,1)=(-1,0)=-1\,,\] et donc que \(\mathsf{i}\) et \(-\mathsf{i}\) sont solutions de l'équation \[ z^2+1=0\,. \] En d'autres termes, dans \(\mathbb{C}\), le polynôme \(z^2+1\) peut être factorisé (ce qu'on ne peut pas faire dans les réels!): \[ z^2+1=(z-\mathsf{i})(z+\mathsf{i})\,. \]

Puisque \(\mathsf{i}\) est un complexe dont le carré vaut \(-1\), on pourra abuser un peu de la notation suivante: \[ \mathsf{i}\equiv\sqrt{-1}\,. \]

'' Toutes les expressions comme \(\sqrt{-1},\sqrt{-2},\dots\) sont des nombres impossibles ou imaginaires, puisqu'ils représentent les racines carrées de quantités négatives ; de ces nombres, nous pouvons seulement affirmer qu'ils ne sont ni zéro, ni supérieurs à zéro, ni inférieurs à lui, ce qui nécessairement les rend imaginaires ou impossibles. ''

Leonhard Euler, env 1750

Remarquons que \[\mathsf{i}^1=\mathsf{i},\quad \mathsf{i}^2=-1,\quad \mathsf{i}^3=-i\,,\quad \mathsf{i}^4=+1,\quad \mathsf{i}^5=\mathsf{i}, \quad \text{ etc} \]

Partie réelle, partie imaginaire

On peut maintenant écrire, pour tout complexe \((x,y)\in \mathbb{C}\), \[ (x,y)=(x,0)+(0,y)=(x,0)+(0,1)y\equiv x+\mathsf{i} y\,, \]

Ainsi, l'expression du produit de \((x,y)=x+\mathsf{i} y\) et \((x',y')=x'+\mathsf{i} y'\) se retrouve facilement: \[\begin{aligned} (x,y)\cdot(x',y')&=(x+\mathsf{i} y)(x'+\mathsf{i} y')\\ &=xx'+xy'\mathsf{i} +x'y\mathsf{i} +yy'\underbrace{\mathsf{i}^2}_{=-1}\\ &=(xx'-yy')+\mathsf{i}(xy'+x'y)\\ &=(xx'-yy',xy'+x'y)\,. \end{aligned}\]

Si \(z=(x,y)=x+\mathsf{i} y\),

On a \[\begin{aligned} \mathrm{Re}(z+z')&=\mathrm{Re}(z)+\mathrm{Re}(z')\,,\qquad\\ \mathrm{Im}(z+z')&=\mathrm{Im}(z)+\mathrm{Im}(z')\,. \end{aligned}\] Comme on a dit plus tôt, les nombres sans partie imaginaire (\(\mathrm{Im}(z)=0\)) sont identifiés avec les réels. Aussi, les nombres sans partie réelle (\(\mathrm{Re}(z)=0\)) sont les nombres purement imaginaires. En particulier, \(\mathsf{i}\) est purement imaginaire.

Conjugué et module

Remarquons que \[ (x+\mathsf{i} y)(x-\mathsf{i} y)=x^2+y^2\,. \] Ceci mène naturellement à introduire deux notions:

Si \(z=x+\mathsf{i} y\),

Lemme: Le conjugué et le module jouissent des propriétés suivantes:

  1. \(\overline{\overline{z}}=z\)
  2. \(z=\overline{z}\) si et seulement si \(z\in \mathbb{R}\)
  3. \(\overline{z+z'}=\overline{z}+\overline{z'}\)
  4. \(\overline{zz'}=\overline{z}\overline{z'}\)
  5. \(z\overline{z}=|z|^2\)
  6. \(|\overline{z}|=|z|\)
  7. \(\overline{(\frac{z}{z'})}=\frac{\overline{z}}{\overline{z'}}\)
  8. \(\frac{z+\overline{z}}{2}=\mathrm{Re}{z}\)
  9. \(\frac{z-\overline{z}}{2\mathsf{i}}=\mathrm{Im}{z}\)

  1. Si \(z=x+\mathsf{i} y\), alors \[ \overline{\overline{z}} =\overline{\overline{x+\mathsf{i} y}} =\overline{x-\mathsf{i} y} =x+\mathsf{i} y =z\,. \]
  2. Si \(z=x+\mathsf{i} y\), alors \(z=\overline{z}\) si et seulement \(x+\mathsf{i} y=x-\mathsf{i} y\), qui signifie \(y=-y\), c'est-à-dire \(2y=0\), et donc \(y=0\). Ceci signifie bien que \(z\) est réel.
  3. \(\overline{z+z'}=\overline{(x+\mathsf{i} y)+(x'+\mathsf{i} y')}= \overline{(x+x')+\mathsf{i} (y+y')}=(x+x')-\mathsf{i} (y+y')\)
Les autres propriétés se démontrent de façon similaire.

On peut calculer une division \(\frac{z}{z'}\) en divisant et multipliant par le conjugué de \(z'\): \[\begin{aligned} \frac{z}{z'}= \frac{x+\mathsf{i} y}{x'+\mathsf{i} y'}&= \frac{(x+\mathsf{i} y)(x'-\mathsf{i} y')}{(x'+\mathsf{i} y')(x'-\mathsf{i} y')}\\ &= \frac{xx'+yy'+\mathsf{i}(yx'-xy')}{x'^2+y'^2}\\ &= \underbrace{\frac{xx'+yy'}{x'^2+y'^2}}_{=\mathrm{Re}(\frac{z}{z'})} +\mathsf{i} \underbrace{\frac{yx'-xy'}{x'^2+y'^2}}_{=\mathrm{Im}( \frac{z}{z'})}\,. \end{aligned}\] Cette expression permet aussi de retrouver la formule pour l'inverse: \[ z^{-1}=\frac{1}{z} =\frac{x}{x^2+y^2}-\mathsf{i}\frac{y}{x^2+y^2} =\Bigl(\frac{x}{x^2+y^2},\frac{-y}{x^2+y^2}\Bigr)\,. \]

Résoudre des équations complexes simples

Remarque: Soient \(z=x+\mathsf{i} y\), \(z'=x'+\mathsf{i} y'\). Alors \[ z=z'\qquad \Leftrightarrow \qquad x=x'\text{ et }y=y'\,. \] On utilise cette propriété pour résoudre des équations.

Exemple: Résolvons l'équation du premier degré en \(z\) donnée par \[ z-3\mathsf{i} z -3+6\mathsf{i}=0\,. \] Une manière de procéder est d'isoler \(z\), et de faire la division à l'aide du conjugué: \[ z=\frac{3-6\mathsf{i}}{1-3\mathsf{i}}=\frac{21}{10}+\mathsf{i}\frac{3}{10}\,. \] Sinon, on peut aussi poser \(z=a+b\mathsf{i}\), injecter dans l'équation de départ et réarranger: \[\begin{aligned} 0&=(a+b\mathsf{i})-3\mathsf{i}(a+b\mathsf{i})-3+6\mathsf{i}\\ &=(a+3b-3)+\mathsf{i}(b-3a+6)\,. \end{aligned}\] Or pour qu'un nombre complexe soit le complexe nul \(0+\mathsf{i} 0\), ses parties réelles et imaginaires doivent toutes deux être égales à zéro, ce qui implique que \(a\) et \(b\) sont solutions du système \[\begin{aligned} a+3b-3&=0\\ -3a+b+6&=0\,, \end{aligned}\] ce qui donne \(a=\frac{21}{10}\), \(b=\frac{3}{10}\).

Quiz 2.2-1 : Parmi les identités suivantes, lesquelles sont correctes?
  1. \((1+\mathsf{i})(1-\mathsf{i})=2\)
  2. \((\mathsf{i}+1)(\mathsf{i}+2)(\mathsf{i}+3)=6-\mathsf{i}\)
  3. \(1+\mathsf{i}+\mathsf{i}^2+\mathsf{i}^3+\cdots+\mathsf{i}^{443}=0\)