On démontre le résultat par récurrence sur \(k\), c'est-à-dire sur le nombre de
vecteurs propres dans la famille.
Cas \(k=2\): Soient \(\lambda_1\neq \lambda_2\) deux valeurs propres
de \(A\), et soient \(\boldsymbol{v}_1,\boldsymbol{v}_2\) deux vecteurs non nuls
tels que
\[ A\boldsymbol{v}_1=\lambda_1\boldsymbol{v}_1\,,\qquad
A\boldsymbol{v}_2=\lambda_2\boldsymbol{v}_2\,.
\]
Considérons la relation linéaire
\[ \alpha_1\boldsymbol{v}_1+\alpha_2\boldsymbol{v}_2=\boldsymbol{0}\,. \]
Agissons de deux manières sur cette relation:
-
En multipliant par \(A\) des deux côtés,
\[ \alpha_1\underbrace{A\boldsymbol{v}_1}_{=\lambda_1\boldsymbol{v}_1}
+\alpha_2\underbrace{A\boldsymbol{v}_2}_{=\lambda_2\boldsymbol{v}_2}=A\boldsymbol{0}=\boldsymbol{0}\,,
\]
on a
\[ \alpha_1\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\alpha_2\lambda_2\boldsymbol{v}_2=\boldsymbol{0}\,. \]
-
En multipliant par \(\lambda_2\) des deux côtés,
\[ \alpha_1\lambda_2\boldsymbol{v}_1+\alpha_2\lambda_2\boldsymbol{v}_2=\boldsymbol{0}\,. \]
En faisant la différence de ces deux expressions, on obtient
\[ \alpha_1\underbrace{(\lambda_1-\lambda_2)}_{\neq 0}
\underbrace{\boldsymbol{v}_1}_{\neq \boldsymbol{0}}=\boldsymbol{0}\,,
\]
d'où on tire que \(\alpha_1=0\). En refaisant la même chose mais en multipliant
par \(\lambda_1\) au lieu de \(\lambda_2\), on montre que \(\alpha_2=0\). Donc
\(\{\boldsymbol{v}_1,\boldsymbol{v}_2\}\) est libre.
Cas \(k>2\): Supposons que le résultat est vrai pour des famille de \(k\)
valeurs propres et \(k\) vecteurs propres, et considérons une famille qui en
contient \(k+1\):
- \(\boldsymbol{v}_1\) est vecteur propre associé à \(\lambda_1\),
- \(\vdots\)
- \(\boldsymbol{v}_{k+1}\) est vecteur propre associé à \(\lambda_{k+1}\),
où tous les \(\lambda_j\) sont distincts, et tous les \(\boldsymbol{v}_j\)
sont non-nuls.
Considérons la relation
\[
\alpha_1\boldsymbol{v}_1+\cdots+\alpha_{k+1}\boldsymbol{v}_{k+1}=\boldsymbol{0}\,.
\]
Comme avant, agissons de deux manière sur cette relation:
-
En multipliant par \(A\) des deux côtés,
\[ \alpha_1\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\cdots +\alpha_{k+1}\lambda_{k+1}\boldsymbol{v}_{k+1}=\boldsymbol{0}\,. \]
-
En multipliant par \(\lambda_{k+1}\) des deux côtés,
\[ \alpha_1\lambda_{k+1}\boldsymbol{v}_1+\cdots+\alpha_{k+1}\lambda_{k+1}\boldsymbol{v}_{k+1}=\boldsymbol{0}\,. \]
En faisant la différence de ces deux expressions, le terme
\(\alpha_{k+1}\lambda_{k+1}\boldsymbol{v}_{k+1}\) disparaît,
et il reste
\[
\alpha_1(\lambda_1-\lambda_{k+1})\boldsymbol{v}_1+\cdots+\alpha_{k}(\lambda_k-\lambda_{k+1})\boldsymbol{v}_k=
\boldsymbol{0}\,,
\]
et comme l'hypothèse d'induction garantit que
\(\{\boldsymbol{v}_1,\dots,\boldsymbol{v}_k\}\) est libre,
tous les coefficients de cette combinaison linéaire sont nuls:
\[
\alpha_1(\lambda_1-\lambda_{k+1})=0\,,\qquad \cdots,\qquad
\alpha_{k}(\lambda_k-\lambda_{k+1})=0\,.
\]
Mais \(\lambda_{k+1}\) est distinct de toutes les autres valeurs propres:
\(\lambda_j-\lambda_{k+1}\neq 0\). De là, on tire que
\(\alpha_1=0,\dots,\alpha_k=0\).
En réinjectant ces zéros dans la relation de départ, elle devient
\[ \alpha_{k+1}\boldsymbol{v}_{k+1}=\boldsymbol{0}\,.
\]
Comme \(\boldsymbol{v}_{k+1}\neq \boldsymbol{0}\), on conclut que \(\alpha_{k+1}\) est nul
comme les autres, et donc
que la famille \(\{\boldsymbol{v}_1,\cdots,\boldsymbol{v}_{k+1}\}\) est libre.