Dans la section précédente, nous avons vu un premier critère d'inversibilité général pour une matrice \(A\), caractérisé par la possibilité de réduire (ou non) \(A\) à l'identité. Relions maintenant l'inversibilité à d'autres propriétés algébriques. (Dans la suite du cours, d'autres critères viendront s'ajouter à cette liste.)
Théorème: (Critères d'inversibilité) Soit \(A\) une matrice \(n\times n\). Alors les propriétés suivantes sont toutes équivalentes.
Les équivalences
1.\(\Leftrightarrow\)2.\(\Leftrightarrow\)3. ont été démontrées
dans la section précédente.
1.\(\Rightarrow\)4. Si \(A\) est inversible, alors pour tout
\(\boldsymbol{b}\in\mathbb{R}^n\), la solution de \(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{b}\) est donnée par
\(\boldsymbol{x}=A^{-1}\boldsymbol{b}\), et est donc unique.
4.\(\Rightarrow\)5. On sait que \(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{0}\) possède toujours la
solution triviale. Donc en prenant \(\boldsymbol{b}=\boldsymbol{0}\), on assure que la
solution triviale est unique.
5.\(\Leftrightarrow\)6. Suit du fait que les colonnes d'une matrice \(A\)
(de taille quelconque) sont
linéairement indépendantes si et seulement si le systèmes homogène associé
\(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{0}\) ne possède que la solution triviale.
6.\(\Rightarrow\)9.
En effet, nous savons que dans un espace vectoriel de dimension
\(n\), toute famille libre contenant \(n\) vecteurs forme une base.
9.\(\Rightarrow\)1. Supposons que les colonnes de \(A\) forment une base de
\(\mathbb{R}^n\). Pour montrer que \(A\) est inversible, il suffit de montrer que
l'application \(T(\boldsymbol{x})=A\boldsymbol{x}\) est bijective.
Montrons d'abord qu'elle est injective. Supposons que
\(T(\boldsymbol{x})=T(\boldsymbol{x}')\),
c'est-à-dire \(A(\boldsymbol{x}-\boldsymbol{x}')=\boldsymbol{0}\). Puisque les colonnes de \(A\)
sont indépendantes, l'unique solution de ce système est
\(\boldsymbol{x}-\boldsymbol{x}'=\boldsymbol{0}\), et donc \(\boldsymbol{x}=\boldsymbol{x}'\).
Ensuite, \(T\) est clairement surjective puisque pour tout \(\boldsymbol{y}\in\mathbb{R}^n\),
le système \(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{y}\) possède une solution (ici on utilise le fait que
les colonnes de \(A\) engendrent \(\mathbb{R}^n\)).
9.\(\Rightarrow\)7\(\Leftrightarrow\)8. (Évident)
7.\(\Rightarrow\)9. Si les colonnes de \(A\) engendrent \(\mathbb{R}^n\), elles forment
nécessairement une famille libre (sinon, la dimension de l'espace qu'elles
engendrent serait strictement inférieur à \(n\)),
et donc une base comme on a déjà dit.
Nous avons insisté plusieurs fois sur le fait que la définition d'inversibilité implique deux conditions: il doit exister \(B\) telle que \(AB=I_n\) et \(BA=I_n\). Or nous avons maintenant les outils pour prouver qu'il suffit qu'une seule de ces conditions soit vérifiée:
1. Supposons que \(CA=I_n\). Si \(\boldsymbol{x}\) est solution du système homogène
\(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{0}\), alors
\[
\boldsymbol{x}=I_n\boldsymbol{x}=CA\boldsymbol{x}=C(A\boldsymbol{x})=C\boldsymbol{0}=\boldsymbol{0}\,.
\]
Donc le système homogène ne possède que la solution triviale. Par le théorème
(critère 5),
\(A\) est inversible: son inverse \(A^{-1}\) existe.
En multipliant l'identité \(CA=I_n\) à droite par \(A^{-1}\), on obtient
\(C=A^{-1}\).
2. Supposons que \(AB=I_n\). Fixons un \(\boldsymbol{y}\in \mathbb{R}^n\) quelconque. On
a alors \(AB\boldsymbol{y}=I_n\boldsymbol{y}=\boldsymbol{y}\), que l'on peut récrire
\(A\boldsymbol{x}_*=\boldsymbol{y}\) (où \(\boldsymbol{x}_*=B\boldsymbol{y}\)). Ceci implique bien que
\(\boldsymbol{y}\in \mathrm{Im} (A)\). Comme ceci est vrai pour tout \(\boldsymbol{y}\),
on a que
\(\mathrm{Im} (A)=\mathbb{R}^n\). Par le théorème (critère 7.) ce qui implique que \(A\) est inversible. En multipliant
l'identité \(AB=I_n\) à gauche par \(A^{-1}\), on obtient \(A^{-1}=B\).