Nous l'avions dit au début du chapitre sur les vecteurs et valeurs propres, notre but était de un outil permettant d'étudier une application linéaire de façon plus géométrique.
Commençons par décrire les applications qui, même en grande dimensions, sont très simples à comprendre: les applications dont la matrice (relativement à la base canonique) est diagonale. En effet, considérons une application \(T:\mathbb{R}^n\to\mathbb{R}^n\) définie par \[ \boldsymbol{x}= \begin{pmatrix} x_1\\ x_2\\ \vdots\\ x_n \end{pmatrix} \mapsto T(\boldsymbol{x}):= \begin{pmatrix} d_1&0&\cdots&0\\ 0&d_2&\cdots&0\\ \vdots&\vdots&\ddots&\vdots\\ 0&\cdots&\cdots&d_n \end{pmatrix} \begin{pmatrix} x_1\\ x_2\\ \vdots\\ x_n \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} d_1x_1\\ d_2x_2\\ \vdots\\ d_nx_n \end{pmatrix} \] Une telle application se comprend simplement dans le sens suivant: chaque variable \(x_k\) n'est que multipliée par \(d_k\), et n'interfère pas avec les autres variables.
Exemple: Dans le plan, considérons \[ \boldsymbol{x}= \begin{pmatrix} x_1\\x_2 \end{pmatrix} \mapsto T(\boldsymbol{x})= \begin{pmatrix} 2&0\\ 0&-1 \end{pmatrix} \begin{pmatrix} x_1\\x_2 \end{pmatrix} =\begin{pmatrix} 2x_1\\-x_2 \end{pmatrix}\,. \] Dans ce cas, l'effet de \(T\) simple à décrire: elle multiplie \(x_1\) par \(2\), et change le signe de \(x_2\). Ceci permet de construire l'image d'un \(\boldsymbol{x}\) quelconque à la règle et au compas:
On sait que la représentation d'une application linéaire relativement à la base
canonique n'est qu'une représentation parmi d'autres.
Au vu de la discussion ci-dessus, on peut donc se poser la question de savoir
si, pour une application linéaire donnée, il existe une base dans
laquelle sa matrice est diagonale. Si c'est le cas (parce que ça ne sera
pas toujours possible), alors on a tout
avantage à choisir cette base pour travailler, puisque dans cette base
l'application ne devient qu'une modification multiplicative
de chacune des composantes, indépendamment des autres.
Le but de la diagonalisation, que nous présentons dans ce chapitre,
est de déterminer si une application
donnée peut (ou ne peut pas) être rendue diagonale dans une base bien
choisie.
Puisque la diagonalisation a pour but de réduire une application à
une base dans laquelle elle ''multiplie simplement les composantes par des
nombres'', c'est sans surprise que les notions de vecteur propre et valeur
propre joueront un rôle central dans son développement.
Avant de passer à l'étude générale de la diagonalisation, voyons comment elle
s'implémente dans un cas simple.
Exemple: Reprenons l'application utilisée comme motivation de la notion de vecteur propre, dans le chapitre précédent: \[ \boldsymbol{x}= \begin{pmatrix} x_1\\ x_2 \end{pmatrix} \mapsto T(\boldsymbol{x}):= \begin{pmatrix} x_2\\ \frac12 x_1-\frac12 x_2 \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} x_1\\ x_2 \end{pmatrix} \] Relativement à la base canonique, on a donc \[ [T]_{\mathcal{B}_{\mathrm{can}}}= \begin{pmatrix} 0&1\\ \frac12&-\frac12 \end{pmatrix}\,. \] Nous avions remarqué que certains vecteurs subissaient, sous l'action de \(T\), une simple multiplication par un scalaire. Maintenant que l'on sait que ces vecteurs sont les vecteurs propres, on peut les calculer explicitement. Puisque \[P_{[T]_{\mathcal{B}_{\mathrm{can}}}}(\lambda)=2\lambda^2+\lambda-1\,,\] on a deux valeurs propres:
Remarque:
Maintenant se pose la question:
comment savoir si une matrice est diagonalisable?
On s'en doute, cette question est reliée à l'existence de valeurs et de
vecteurs propres. Mais ça n'est pas suffisant, comme on verra dans la section
suivante.