6.7 Critères d'inversibilité de matrices carrées
Le résultat

Dans la section précédente, nous avons vu un premier critère d'inversibilité général pour une matrice \(A\), caractérisé par la possibilité de réduire (ou non) \(A\) à l'identité. Relions maintenant l'inversibilité à d'autres propriétés algébriques. (Dans la suite du cours, d'autres critères viendront s'ajouter à cette liste.)

Théorème: (Critères d'inversibilité) Soit \(A\) une matrice de taille \(n\times n\). Alors, les propriétés suivantes sont toutes équivalentes:

  1. (i) \(A\) est inversible;
  2. (ii) \(A\) est un produit fini de matrices élémentaires;
  3. (iii) la forme échelonnée réduite de \(A\) est \(I_n\);
  4. (iv) \(\det(A) \neq 0\);
  5. (v) pour tout \(\boldsymbol{b}\in\mathbb{R}^n\), le système \(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{b}\) possède une unique solution;
  6. (vi) le système \(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{0}\) ne possède que la solution triviale (i.e. \(\mathrm{Ker}(A)=\{\boldsymbol{0}\}\));
  7. (vii) les colonnes de \(A\) forment une famille libre de \(\mathbb{R}^n\);
  8. (viii) les colonnes de \(A\) forment une famille génératrice de \(\mathbb{R}^n\) (i.e. \(\mathrm{Im} (A)=\mathbb{R}^n\)).

Les équivalences (i) \(\Leftrightarrow\) (ii) \(\Leftrightarrow\) (iii) ont été démontrées dans le Théorème et le Corollaire dans la Section (cliquer).

L'équivalence (i) \(\Leftrightarrow\) (iv) suit du premier Théorème dans la Section (cliquer).

L'équivalence (i) \(\Leftrightarrow\) (v) suit de l'équivalence entre les items (i) et (iv) du dernier Théorème %(cliquer) de la Section (cliquer), où l'on utilise qu'une application linéaire est bijective si et seulement si sa matrice canonique est inversible (voir Lemme %(cliquer) dans la Section (cliquer)).

L'équivalence (i) \(\Leftrightarrow\) (vi) suit de combiner l'équivalence entre les items (i) et (ii) du dernier Théorème de la Section (cliquer) et l'équivalence entre les items (i) et (iii) du premier Théorème de la Section (cliquer) dans la Section (cliquer)).

L'équivalence (i) \(\Leftrightarrow\) (vii) suit de combiner l'équivalence entre les items (i) et (ii) du dernier Théorème de la Section (cliquer) et l'équivalence entre les items (i) et (iv) du premier Théorème de la Section (cliquer), où l'on utilise qu'une application linéaire est bijective si et seulement si sa matrice canonique est inversible (voir Lemme dans la Section (cliquer)).

L'équivalence (i) \(\Leftrightarrow\) (viii) suit de combiner l'équivalence entre les items (i) et (iii) du dernier Théorème de la Section (cliquer) et l'équivalence entre les items (i) et (iv) du deuxième Théorème de la Section (cliquer), où l'on utilise qu'une application linéaire est bijective si et seulement si sa matrice canonique est inversible (voir Lemme dans la Section (cliquer)).

Une application: une simplification de la définition d'inversibilité

Nous avons insisté plusieurs fois sur le fait que la définition d'inversibilité implique deux conditions: il doit exister \(B\) telle que \(AB=I_n\) et \(BA=I_n\). Or nous avons maintenant les outils pour prouver qu'il suffit qu'une seule de ces conditions soit vérifiée:

Soit \(A\) une matrice de taille \(n\times n\).
  1. (INV-G) S'il existe une matrice \(C\) de taille \(n\times n\) telle que \(CA=I_n\), alors \(A\) est inversible et \(A^{-1}=C\).
  2. (INV-D) S'il existe une matrice \(B\) de taille \(n\times n\) telle que \(AB=I_n\), alors \(A\) est inversible et \(A^{-1}=B\).

Supposons que \(CA=I_n\). Si \(\boldsymbol{x}\) est solution du système homogène \(A\boldsymbol{x}=\boldsymbol{0}\), alors \[ \boldsymbol{x}=I_n\boldsymbol{x}=CA\boldsymbol{x}=C(A\boldsymbol{x})=C\boldsymbol{0}=\boldsymbol{0}\,. \] Donc le système homogène ne possède que la solution triviale. En employant l'équivalence entre les conditions (1) et (6) dans le théorème précédent, \(A\) est inversible: son inverse \(A^{-1}\) existe. En multipliant l'identité \(CA=I_n\) à droite par \(A^{-1}\), on obtient \(C=A^{-1}\).

Supposons que \(AB=I_n\). Fixons un \(\boldsymbol{y}\in \mathbb{R}^n\) quelconque. On a alors \(AB\boldsymbol{y}=I_n\boldsymbol{y}=\boldsymbol{y}\), que l'on peut récrire \(A\boldsymbol{x}_*=\boldsymbol{y}\) (où \(\boldsymbol{x}_*=B\boldsymbol{y}\)). Ceci implique bien que \(\boldsymbol{y}\in \mathrm{Im} (A)\). Comme ceci est vrai pour tout \(\boldsymbol{y}\), on a que \(\mathrm{Im} (A)=\mathbb{R}^n\). En employant l'équivalence entre les conditions (1) et (8) dans le théorème précédent, on conclut que \(A\) est inversible. En multipliant l'identité \(AB=I_n\) à gauche par \(A^{-1}\), on obtient \(A^{-1}=B\).