Considérons une matrice \(m\times n\), \(A\), et l'application linéaire associée, \(T(\boldsymbol{x})=A\boldsymbol{x}\):
On a déjà dit que
Dans les sections précédentes, nous avons vu comment obtenir des bases pour ces
sous-espaces.
Ici, nous allons compléter cette analyse en faisant quelques
remarques sur les dimensions de ces espaces.
Commençons par faire une remarque sur un cas particulier:
Exemple: Considérons l'application linéaire \(T:\mathbb{R}^5\to\mathbb{R}^3\) rencontrée dans les sections précédentes, dont la matrice est \[ A= \begin{pmatrix} 1&2&0&3&-4\\ 0&-2&2&1&1\\ 1&5&-3&1&-5 \end{pmatrix}\,, \] et dont la réduite est \[ \widetilde A= \begin{pmatrix} {\color{blue}1}&0&2&0&1\\ 0&{\color{blue}1}&-1&0&-1\\ 0&0&0&{\color{blue}1}&-1 \end{pmatrix} \] Rappelons ce que nous avons déjà dit:
Ce que nous venons d'observer est en fait vrai pour toute matrice: la somme des dimensions de l'ensemble image et du noyau est toujours égale à la dimension de l'espace de départ. C'est le Théorème du rang:
Théorème: Soit \(A\) une matrice \(m\times n\). Alors \[ \dim(\mathrm{Ker}(A))+\dim(\mathrm{Im} (A))=n\,. \]
Pour le même résultat, mais démontré plus généralement dans le cadre des espaces vectoriels, voir ici.
La structure générale d'une matrice réduite sera toujours du type suivant:
Le terme ''rang'' doit encore être défini:
Parfois, le rang est aussi noté \(\mathrm{rg}(A)\). (En anglais: \(\mathrm{rank}(A)\).)
Si \(A\) est \(m\times n\), alors
Par conséquent, \[ \mathrm{rang}(A)\leqslant \min\{m,n\}\,. \]
Voyons quelques exemples d'utilisation simple du théorème du rang.
Exemple: Soit \(A\) une matrice \(6\times 9\). Alors \(\mathrm{Ker}(A)\) a dimension au moins égale à \(3\). En effet, \(\mathrm{rang}(A)\leqslant \min\{6,9\}=6\), et donc par le théorème du rang, \[ \dim(\mathrm{Ker}(A))=9-\mathrm{rang}(A)\geqslant 9-6=3\,. \]
Nous avons déjà souvent décrit un matrice \(m\times n\) à l'aide de ses colonnes \(\boldsymbol{a}_k\in \mathbb{R}^m\): \[ A=[\boldsymbol{a}_1\cdots\boldsymbol{a}_n]\,. \] Mais on peut aussi aussi la décrire à l'aide de ses lignes, \[ A= \begin{pmatrix} \boldsymbol{\ell}_1^T\\ \vdots\\ \boldsymbol{\ell}_m^T \end{pmatrix}\,, \] où \(\boldsymbol{\ell}_1,\dots,\boldsymbol{\ell}_m\) sont des vecteurs de \(\mathbb{R}^n\). En d'autres termes, les lignes de \(A\) sont les colonnes de \(A^T\): \[ A^T=[\boldsymbol{\ell}_1\cdots\boldsymbol{\ell}_m] \]
Exemple: \(\displaystyle A= \begin{pmatrix} 1&0&2\\ -4&3&5 \end{pmatrix} \) peut s'écrire \(A= \begin{pmatrix} \boldsymbol{\ell}_1^T\\ \boldsymbol{\ell}_2^T \end{pmatrix} \), où \[ \boldsymbol{\ell}_1= \begin{pmatrix} 1\\ 0\\ 2\\ \end{pmatrix}\,,\qquad \boldsymbol{\ell}_2= \begin{pmatrix} -4\\ 3\\ 5 \end{pmatrix}\,. \]
Lemme: Si \(A\) et \(B\) sont deux matrices équivalentes selon les lignes (on peut passer de l'une à l'autre à l'aide d'un nombre fini d'opérations élémentaires sur les lignes), alors \[ \mathrm{Lgn}(A)=\mathrm{Lgn}(B)\,. \]
Supposons que \(B\) peut s'obtenir par une suite d'opérations élémentaires sur les lignes. Alors toute combinaison linéaire des lignes de \(B\) est aussi une combinaison linéaire des lignes de \(A\). Ceci implique \(\mathrm{Lgn}(B)\subset \mathrm{Lgn}(A)\). Le même argument montre que \(\mathrm{Lgn}(A)\subset \mathrm{Lgn}(B)\), ce qui entraîne \(\mathrm{Lgn}(A)=\mathrm{Lgn}(B)\).
Regardons \(\widetilde A\):
Les lignes contenant un pivot possèdent des ''\(1\)'' à des emplacements différents, précédés de ''\(0\)'': elles sont donc clairement indépendantes. Puisqu'elles engendrent évidemment \(\mathrm{Lgn}(\widetilde A)\), elles forment une base de \(\mathrm{Lgn}(\widetilde A)\).Intéressons-nous maintenant à la dimension de l'espace engendré par les lignes. Par définition, \[ \dim(\mathrm{Lgn}(A))=\mathrm{rang}(A^T). \] Le résultat suivant montre que les espaces engendrés par les colonnes et les lignes d'une matrice quelconque ont toujours même dimension:
Théorème: Si \(A\) est une matrice quelconque, \[ \mathrm{rang}(A)=\mathrm{rang}(A^T)\,. \]
Soit \(\widetilde A\) la réduite de \(A\). La chose importante à remarquer est que dans \(\widetilde A\), le nombre de colonnes contenant un pivot est égal au nombre de lignes non nulles. C'est évident sur un dessin:
On peut donc écrire \[\begin{aligned} \mathrm{rang}(A) &=\text{nombre de colonnes-pivot de }A\\ &=\text{nombre de colonnes contenant un pivot dans }\widetilde A\\ &=\text{nombre de lignes non-nulles dans }\widetilde A\\ &=\dim(\mathrm{Lgn}(\widetilde A))\\ &=\dim(\mathrm{Lgn}(A))\\ &=\mathrm{rang}(A^T)\,. \end{aligned}\] Dans la quatrième ligne, on a utilisé le corollaire ci-dessus. Dans la cinquième ligne, on a utilisé le lemme du dessus.