Soit \(V\) un espace vectoriel.
Un sous-ensemble non vide \(W\subset V\) est un
sous-espace vectoriel de \(V\) si, lorsqu'on
le munit de l'addition de \(V\) et de la multiplication par les scalaires,
devient un espace vectoriel.
Un sous-ensemble non vide \(W\subset V\)
est un sous-espace vectoriel de \(V\) si et seulement si
les trois conditions ci-dessous sont satisfaites:
\(0\in W\).
Si \(w\in W\) et \(\lambda\in \mathbb{R}\), alors \(\lambda w\in W\).
On dit aussi qu'un sous-espace vectoriel est un sous-ensemble de \(V\)
qui est stable par addition et par multiplication par des scalaires.
Schématiquement:
Remarque:
Soit \(W\) un sous-espace vectoriel de \(V\). Si on fixe un \(w\in W\),
alors \((-1)w=-w\in W\), et donc
\(w+(-w)\in W\), ce qui implique \(0\in W\).
(Ceci montre que la première condition de la définition
est en fait superflue.)
\(V\), vu comme sous-ensemble de lui-même, peut être considéré comme un
sous-espace vectoriel. Donc tout ce que nous dirons dans la suite peut aussi
être appliqué au cas où \(W=V\).
Exemple:
Soit \(V\) l'espace vectoriel des fonctions réelles sur l'intervalle
\(I=[a,b]\).
Considérons
\[ W:= \bigl\{ f\in V\,\big|\, f(a)=f(b) \bigr\}\,. \]
Donc les éléments de \(W\) sont les fonctions sur \([a,b]\) dont le graphe a un
point initial à même hauteur que le point final:
Montrons que \(W\) est un sous-espace vectoriel de \(V\).
D'abord, la fonction
nulle \(0\) est évidemment dans \(W\), puisque \(0(a)=0(b)=0\).
Ensuite, si
\(f\in W\) et \(\lambda\in \mathbb{R}\), alors
\[(\lambda f)(a)=\lambda f(a)=\lambda f(b)=(\lambda f)(b)\,,\]
et donc \(\lambda f\in W\).
Finalement, si \(f,g\in W\),
alors
\[
(f+g)(a)=f(a)+g(a)=f(b)+g(b)=(f+g)(b)\,,
\]
et donc \(f+g\in W\).
Sur le même espace vectoriel \(V\) (des fonctions réelles définies sur
\([a,b]\)), les sous-ensembles suivants sont aussi des
sous-espaces vectoriels:
Les fonctions paires (si \([a,b]\) est symétrique).
Les fonctions impaires (si \([a,b]\) est symétrique).
Les fonctions continues sur \([a,b]\).
Les fonctions continues sur \([a,b]\), dérivables sur \(]a,b[\).
Exemple:
Si \(V\) est l'espace de toutes les fonctions réelles définies
sur \(\mathbb{R}\), et si \(\mathbb{P}_n\) est l'ensemble de tous les polynômes de degré au
plus égal à \(n\), alors \(\mathbb{P}_n\) est un sous-espace vectoriel de \(V\).
(Voir exercices.)
Exemple:
Dans \(V=\mathbb{R}^2\), considérons
le sous-ensemble \(W\)
des vecteurs situés sur la droite dirigée par \(\boldsymbol{v}=
\begin{pmatrix}
2\\1
\end{pmatrix}
\),
passant par l'origine:
Intuitivement, il est clair que cet ensemble \(W\) est ''stable'': si on
multiplie un vecteur de \(W\) par un scalaire, on obtient un vecteur qui est
aussi dans \(W\), et si on additionne deux vecteurs de \(W\), alors on obtient
un vecteur qui est aussi dans \(W\): ''on ne sort pas de \(W\)'' en
additionnant ou en multipliant par des scalaires.
Plus rigoureusement, montrons
que \(W\) est un sous-espace vectoriel de \(V=\mathbb{R}^2\).
Par définition, \(W=\mathrm{Vect}\{\boldsymbol{v}\}\):
\(\boldsymbol{w}\in W\) si et seulement si il existe un scalaire \(\lambda\) tel que
\(\boldsymbol{w}=\lambda\boldsymbol{v}\).
Le vecteur nul \(\boldsymbol{0}\) est évidemment dans \(W\) puisque
\(\boldsymbol{0}=0\boldsymbol{v}\).
Soit \(\boldsymbol{w}\in W\), c'est-à-dire qu'il existe \(\lambda\in \mathbb{R}\) tel
que
\(\boldsymbol{w}=\lambda\boldsymbol{v}\), et soit
\(\mu\in \mathbb{R}\). Alors clairement \(\mu\boldsymbol{w}\in W\) puisque
\(\mu \boldsymbol{w}=\mu(\lambda\boldsymbol{v})=(\mu\lambda)\boldsymbol{v}\in W\).
Si \(\boldsymbol{w},\boldsymbol{w}'\in W\), alors il existe \(\lambda,\lambda'\in \mathbb{R}\)
tels que \(\boldsymbol{w}=\lambda\boldsymbol{v}\)
et \(\boldsymbol{w}'=\lambda'\boldsymbol{v}\), et donc
\[ \boldsymbol{w}+\boldsymbol{w}'=\lambda\boldsymbol{v}+\lambda'\boldsymbol{v}=(\lambda+\lambda')\boldsymbol{v}\,,
\]
ce qui entraîne \(\boldsymbol{w}+\boldsymbol{w}'\in W\).
Exemple:
Dans \(V=\mathbb{R}^3\), considérons le plan \(W=\mathrm{Vect}\{\boldsymbol{v}_1,\boldsymbol{v}_2\}\)
dirigé par les vecteurs
\[
\boldsymbol{v}_1=
\begin{pmatrix}
2\\0\\-1
\end{pmatrix}
\,,\qquad
\boldsymbol{v}_2=
\begin{pmatrix}
-5\\3\\7
\end{pmatrix}\,.
\]
Par définition, tout vecteur \(\boldsymbol{w}\in W\) est de la forme
\[
\boldsymbol{w}=\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\lambda_2\boldsymbol{v}_2\,,\qquad
\lambda_1,\lambda_2\in \mathbb{R}\,.
\]
On affirme: \(W\) est un sous-espace vectoriel de \(\mathbb{R}^3\).
Clairement, \(W\) est formé de tous les vecteurs qui sont
combinaisons linéaires de \(\boldsymbol{v}_1,\boldsymbol{v}_2\), donc
\(\boldsymbol{w}\in W\) si et seulement si il existe des scalaires
\(\lambda_1,\lambda_2\) tels que
\[\boldsymbol{w}=\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\lambda_2\boldsymbol{v}_2\,.\]
En d'autres termes: \(W=\mathrm{Vect}\{\boldsymbol{v}_1,\boldsymbol{v}_2\}\).
Soit \(\boldsymbol{w}\in W\), de la forme
\(\boldsymbol{w}=\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\lambda_2\boldsymbol{v}_2\),
et soit \(\mu\in \mathbb{R}\).
Alors \(\mu\boldsymbol{w}\in W\), car
\[
\mu \boldsymbol{w}
=\mu(\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\lambda_2\boldsymbol{v}_2)
=(\mu\lambda_1)\boldsymbol{v}_1+(\mu\lambda_2)\boldsymbol{v}_2\,.
\]
Si \(\boldsymbol{w},\boldsymbol{w}'\in W\),
de la forme
\(\boldsymbol{w}=\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\lambda_2\boldsymbol{v}_2\),
\(\boldsymbol{w}'=\lambda_1'\boldsymbol{v}_1+\lambda_2'\boldsymbol{v}_2\), alors
\[\begin{aligned}
\boldsymbol{w}+\boldsymbol{w}'
&=
(\lambda_1\boldsymbol{v}_1+\lambda_2\boldsymbol{v}_2)+
(\lambda_1'\boldsymbol{v}_1+\lambda_2'\boldsymbol{v}_2)\\
&=
(\lambda_1+\lambda_1')\boldsymbol{v}_1+(\lambda_2+\lambda_2')\boldsymbol{v}_2\,,
\end{aligned}\]
et donc \(\boldsymbol{w}+\boldsymbol{w}'\in W\).
Les deux derniers exemples sont des cas particuliers d'un procédé très général
permettant de construire des sous-espaces vectoriels.
Soit \(V\) un espace vectoriel, et soient \(v_1,\dots,v_p\) des vecteurs de
\(V\). Le sous-ensemble de \(V\) engendré par \(v_1,\dots,v_p\), noté
\(\mathrm{Vect}\{v_1,\dots,v_p\}\), est défini comme l'ensemble de toutes les
combinaisons linéaires possibles des vecteurs \(v_1,\dots,v_p\).
Lemme:
\(W=\mathrm{Vect}\{v_1,\dots,v_p\}\) est un sous-espace vectoriel
de \(V\).
Fonctionne exactement comme les deux preuves dans les exemples ci-dessus.
La combinaison linéaire dont tous les coefficients sont nuls, donne
l'élément nul:
\[ 0=0v_1+\cdots+0v_p\in W\,. \]
Si \(w\in W\), \(w=\lambda_1v_p+\cdots+\lambda_pv_p\), alors pour tout
scalaire \(\lambda\in \mathbb{R}\),
\[ \lambda w=\lambda(\lambda_1v_1+\cdots+\lambda_pv_p)
=
(\lambda\lambda_1)v_p+\cdots+(\lambda\lambda_p)v_p\in W
\]
Si \(w\in W\) et \(w'\in W\),
\[\begin{aligned}
w&=\lambda_1v_1+\cdots+\lambda_pv_p\,,\\
w'&=\lambda_1'v_1+\cdots+\lambda_p'v_p\,,
\end{aligned}\]
alors
\[ w+w'=
(\lambda_1+\lambda_1')v_1+\cdots+ (\lambda_p+\lambda_p')v_p\in W\,.
\]
Exemple:
Si \(V\) est l'espace de toutes les fonctions de \(\mathbb{R}\) dans \(\mathbb{R}\), et si
\(f_0,f_1,f_2\in V\) sont définies par \(f_k(t):= t^k\) pour tout
\(t\in\mathbb{R}\),
alors
\[W=\mathrm{Vect}\{f_0,f_1,f_2\}=\mathbb{P}_2\]
est le sous-espace vectoriel de \(V\) contenant
toutes les combinaisons linéaires
\[ p=\lambda_0 f_0+\lambda_1 f_1+\lambda_2 f_2\,,
\]
c'est-à-dire tous les polynômes \(p\) de degré plus petit ou égal à \(2\):
Exemple:
Si \(V\) est l'espace de toutes les fonctions de \(\mathbb{R}\) dans \(\mathbb{R}\), et si
\(f_1,f_2\in V\) sont définies par
\[ f_1(t)=\sin(t)\,,\qquad f_2(t)=\cos(t)\,,\qquad t\in \mathbb{R}\,,
\]
alors \(W=\mathrm{Vect}\{f_1,f_2\}\) est le sous-espace vectoriel de \(V\) contenant
toutes les combinaisons linéaires:
Quiz 4.4-1 :
Soit \(V\) l'espace de toutes les fonctions réelles sur \(\mathbb{R}\), et
soit \(W\) le sous-espace vectoriel de \(V\)
engendré par \(f_1(t)=\sin(t)\) et \(f_2(t)=\cos(t)\).
Vrai ou faux?
Toute fonction \(f\in W\) est périodique.
Toute fonction \(f\in W\) est bornée.
Il existe \(f\in W\) telle que \(\lim_{t\to\infty}f(t)\) existe.
Il existe \(f\in W\) telle que \(f(\sqrt{2})=\pi\).
Il existe \(f\in W\) telle que \(f(\frac{\pi}{4})=0\).
Si \(f\in W\), alors \(f'\in W\) (\(f'\): dérivée de \(f\)).
Quiz 4.4-2 :
Soit \(V\) l'espace de toutes les fonctions réelles sur \(\mathbb{R}\), et
soit \(\mathbb{P}_2\) le sous-espace de \(V\)
des polynômes de degré au plus égal à deux.
Vrai ou faux?
Tout \(p\in \mathbb{P}_2\) est de degré \(2\).
Si \(p\in \mathbb{P}_2\), alors \(t\mapsto p(t)\) est une fonction paire.
Il existe une infinité de polynômes \(p\in \mathbb{P}_2\) qui sont bornés.
Il existe \(p\in \mathbb{P}_2\) tel que \(p(-1)=p(1)=1\), \(p(2)=0\).
Il existe \(p\in \mathbb{P}_2\) tel que \(p(1)=p(2)=p(3)=0\).